dimanche 11 décembre 2022

Appel du 22 juin 1940 du général de Gaulle

 

Annexe 4

 

 

Appel du 22 juin 1940 du général de Gaulle




 

« Le gouvernement français, après avoir demandé l'armistice, connaît, maintenant, les conditions dictées par l'ennemi.


Il résulte de ces conditions que les forces françaises de terre, de mer et de l'air seraient entièrement démobilisées, que nos armes seraient livrées, que le territoire français serait totalement occupé et que le gouvernement français tomberait sous la dépendance de l'Allemagne et de l'Italie.


On peut donc dire que cet armistice serait non seulement une capitulation, mais encore un asservissement.


Or, beaucoup de Français n'acceptent pas la capitulation ni la servitude pour des raisons qui s'appellent l'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la patrie.


Je dis l'honneur, car la France s'est engagée à ne déposer les armes que d'accord avec ses alliés.


Tant que ses alliés continuent la guerre, son gouvernement n'a pas le droit de se rendre à l'ennemi.


Le gouvernement polonais, le gouvernement norvégien, le gouvernement hollandais, le gouvernement belge, le gouvernement luxembourgeois, quoique chassés de leur territoire, ont compris ainsi leur devoir.


Je dis le bon sens, car il est absurde de considérer la lutte comme perdue.
Oui, nous avons subi une grande défaite.


Un système militaire mauvais, les fautes commises dans la conduite des opérations, l'esprit d'abandon du gouvernement pendant ces derniers combats nous ont fait perdre la bataille de France.

Mais il nous reste un vaste empire, une flotte intacte, beaucoup d'or. 

Il nous reste des alliés dont les ressources sont immenses, et qui dominent les mers.
Il nous reste les gigantesques possibilités de l'industrie américaine.

Les mêmes conditions de la guerre qui nous ont fait battre par cinq mille avions et six mille chars peuvent nous donner, demain, la victoire par vingt mille chars et vingt mille avions.

Je dis l'intérêt supérieur de la patrie, car cette guerre n'est pas une guerre franco-allemande, qu'une bataille puisse décider.


Cette guerre est une guerre mondiale.

Nul ne peut prévoir si les peuples qui sont neutres, aujourd'hui, le resteront demain.


Même les alliés de l'Allemagne resteront-ils toujours ses alliés ?


Si les forces de la liberté triomphent finalement de celles de la servitude, quel serait le destin d'une France qui se serait soumise à l'ennemi ?


     L'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la patrie commandent à tous les Français libres de continuer le combat là où ils seront et comme ils pourront.
Il est, par conséquent, nécessaire de grouper partout où cela se peut une force française aussi grande que possible.

Tout ce qui peut être réuni en fait d'éléments militaires français et de capacité française de production d'armement doit être organisé partout où il y en a.


Moi, général de Gaulle, j'entreprends ici, en Angleterre, cette tâche nationale.


     J'invite tous les militaires français des armées de terre, de mer et de l'air, j'invite les ingénieurs et les ouvriers français spécialistes de l'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui pourraient y parvenir, à se réunir à moi. J'invite les chefs, les soldats, les marins, les aviateurs des forces françaises de terre, de mer, de l'air, où qu'ils se trouvent actuellement, à se mettre en rapport avec moi. J'invite tous les Français qui veulent rester libres à m'écouter et à me suivre.


Vive la France libre dans l'honneur et dans l'indépendance ! » [1]

 

GÉNÉRAL DE GAULLE

 

 



[1] Source : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1940-1944-la-seconde-guerre-mondiale/l-appel-du-18-juin/documents/l-appel-du-22-juin-1940.php


Discours de Pétain après l'entrevue de Montoire, le 30 octobre 1940

 

Annexe 2


Discours de Pétain après l’entrevue de Montoire, le 30 octobre 1940


                                                                        Affiche publié le 17/04/2010 à 09:39 par museevirtuelmilitaire


 « Français, j’ai rencontré, jeudi dernier, le Chancelier du Reich. Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes ; je vous dois, à ce sujet, quelques explications. Une telle entrevue n'a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l'épreuve, grâce à l'immense effort de régénération auquel ils se sont prêtés, grâce aussi à l'héroïsme de nos marins, à l'énergie de nos chefs coloniaux, au loyalisme de nos populations indigènes. La France s'est ressaisie. Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement de notre pays. » C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi, de sa part, aucun « diktat », aucune pression. Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement. » À tous ceux qui attendent aujourd'hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains. À tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d'avoir confiance. À ceux qui doutent comme, à ceux qui s'obstinent, je rappellerai qu'en se raidissant à l'excès, les plus belles attitudes de réserve et de fierté risquent de perdre de leur force. » Celui qui a pris en mains les destinées de la France a le devoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire. » Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d'agression, elle doit comporter un effort patient et confiant. L'armistice, au demeurant, n'est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d'éteindre les divergences de l'opinion, de réduire les dissidences de ses colonies. »  Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'histoire jugera. Je vous ai tenu jusqu'ici le langage d'un père : je vous tiens aujourd'hui le langage du chef. Suivez-moi ! Gardez votre confiance en la France éternelle ! »                 

Philippe PÉTAIN


Le problème des foyers de rapatriés (soldats prisonniers de guerre de la Seconde Guerre mondiale)

 

 

 

LE PROBLÈME DES FOYERS

DE RAPATRIÉS [1]

 

 



 

« Le 6 février (1945) a eu lieu à Lyon une rencontre de foyers de rapatriés. Son but était d'examiner les difficultés qui peuvent exister dans les ménages de rapatriés, concernant la reprise de la vie commune ainsi que les remèdes indiqués pour une réadaptation normale à cette même vie.



PREMIÈRE PARTIE. - LES FAITS

 

Illusions et réalités.

 

Voici les conclusions de cette rencontre : Il semble que 95 % des foyers de rapatriés se heurtent à des difficultés de réadaptation. Difficultés plus ou moins différentes, plus ou moins graves, suivant le tempérament de chaque époux, suivant l'évolution physique et morale de l'un et de l'autre durant l'absence, suivant le temps depuis lequel le prisonnier est rentré.

En fait, il ne faut ni s'illusionner ni se désespérer. Un foyer chez qui l'entente était normale avant-guerre et dont les deux époux sont restés fidèles l'un à l'autre pendant l'absence, arrive toujours à surmonter les obstacles de la réadaptation à la vie commune.

Ceci a été constaté par tous les foyers présents et il est bon qu'on se le dise pour ne pas créer un état d'esprit tendant à faire croire aux prisonniers et à leur femme qu'il leur sera très difficile de reprendre harmonieusement leur vie conjugale et familiale au moment du retour.

 


Dans l'ordre physique.

 

Les difficultés qui ont été constatées sont d'ordre physique tout d'abord.

Ne traitons pas la question de la maladie (tout prisonnier doit se défier des premiers mois du retour où, peu à peu parfois, se manifestent des maladies auxquelles il ne songeait pas) ni celle du régime alimentaire et de la rééducation de l'estomac. Le prisonnier en Allemagne vivait « au ralenti ». Son activité physique dans les grands camps (oflags et stalags) était à peu près nulle ; quelques instants de gymnastique ou de sport lui en donnaient seulement l'illusion. Dans les Kommandos d'industrie et de villes, les alertes incessantes des deux dernières années réduisaient son travail à quelques heures, parfois quelques minutes, entre de longs séjours dans les abris. Partout, même en culture, il n’oubliait pas le principe : en faire le moins possible pour les Allemands, qui d'ailleurs ne donnaient guère l'exemple d'une activité fébrile. À la moindre indisposition, il se dispensait du travail.

Il rentre, vieilli de 5 ans, souvent affaibli par les restrictions d'une dernière année sans colis, sous les bombardements affolants, vidé parfois par les derniers déplacements, toujours miné par l'ennui, les soucis, le culte de la paresse. Déshabitué de la marche à pied ou à vélo, il trouve bien rudes les côtes de notre Massif Central. Au travail il est fatigué tout de suite. Volontiers, il s'allongerait des heures entières sur un lit, pendant le jour, comme il faisait naguère. Il quitte brusquement une vie d'où étaient bannis le souci du pain quotidien et la charge de faire vivre d'autres que lui, où les démarches administratives ne préoccupaient que les hommes de confiance ou les chefs de camp. Il retrouve une vie plus compliquée qu'avant-guerre : les salaires sont bas, il faut chercher une situation en rentrant, se soumettre à la multiplication des mesures de contrôle, se reconnaître dans les tickets de tous genres, dans le coût de la vie qui a augmenté de la façon la plus irrégulière, et jusque dans la nouvelle monnaie.

Cela même qui n'a pas changé le choque parfois. Ne prenons exemple que chez le paysan. Le paysan aveyronnais risque de manifester sa surprise devant le désordre, l'encombrement et la vétusté des nombreuses maisons de nos campagnes, devant l'organisation rudimentaire de nos étables, devant la saleté et le défaut d'hygiène des cours, des étables, des poulaillers, devant l'absence de douches et de cabinets.

Il peut regretter ces grandes et moyennes exploitations pourvues de toutes les machines agricoles. Obligé de refaire à la main une grande partie de son travail qu'il a. fait pendant 5 ans avec des machines agricoles, il peut éprouver une désaffection pour sa terre, qui, jointe à d'autres causes plus graves, accélérera la désertion des campagnes. S'il en retire seulement un désir d'amélioration et d'hygiène, tout est pour le mieux ; mais il peut se heurter d'une part à l'incompréhension, de l'autre à l'impossibilité de réaliser ce qui exigerait la main-d'œuvre plus nombreuse qui existait en Allemagne. La conséquence inévitable est une baisse de tension vitale constatée par tous, sinon aussitôt le retour, du moins quelques semaines après ; c'est le « coup de bambou » du rapatrié. On ne réagit plus comme autrefois. On a perdu l'énergie nécessaire pour faire face, et vite, aux multiples changements d'activités de la vie quotidienne. Si l'on veut caractériser l'état dans lequel le rapatrié se trouve, il faut parler, semble-t-il, de convalescence. Du convalescent, il a les jambes molles et ce besoin constant de s'asseoir après le moindre effort. Du convalescent, il a cette lenteur dans l'action en même temps que cet étourdissement devant la vie moderne et son rythme accéléré. Pendant 5 ans, sa vie se résume en deux mots : attendre et rêver. Il pouvait écouter sans se lasser conférences, théâtre, concerts, se livrer à d'interminables lectures et causeries, tromper son ennui dans de petits travaux manuels d'une patience infinie. Il n'était jamais pressé. A présent il faut se hâter, il faut vivre.

Enfin, la grosse majorité des rapatriés fait preuve d'une irritabilité manifeste. En captivité, on a subi des contraintes de toutes sortes : difficulté pour s'exprimer tout le long du jour avec les étrangers que l'on côtoie, manque de confort, absence de distractions, de détente nécessaire. Lorsque le prisonnier rentre, la liberté le délivre de ces contraintes. Ses réactions nerveuses peuvent exploser sans entrave. Tout ce qui fait obstacle au calme, à la tranquillité dont il a besoin : les cris du bébé qui pleure, le ton aigu des conversations féminines, le hérissent facilement. Toute contradiction lui pèse. Il veut qu'on l'écoute et qu'on lui obéisse. Il s'impatiente pour des riens.

 


Dans l'ordre psychologique et moral.

 

Au point de vue psychologique et moral, d'autres difficultés se manifestent :

Le prisonnier revient plus rude. Il a fait partie pendant des mois d'une communauté uniquement masculine et fermée. On a parlé à ce sujet de « civilisation sans femmes ». Loin de toute présence féminine conjugale, il a reporté en partie le besoin d'affection qu'il éprouve sur le petit groupe d'amis qu’il s'est constitué. Dans ces groupements d'hommes, la tendresse se transforme en amitié et cette amitié se manifeste de manière plus dépouillée qu'à l'intérieur d'un foyer. Le prisonnier a perdu l'habitude de la finesse, de la sensibilité féminine, de la naïveté enfantine. Sa mentalité, dans les grands camps, a perdu tout contact avec les moyens d'expression particuliers aux femmes et aux enfants. De plus, il s'est accoutumé à une vie dure où les précautions à prendre avec les choses et les gens, avec le mobilier comme avec l'entourage, n'existent plus guère. Il a perdu un certain sens de la civilité en même temps, qu'il a retrouvé une veine un peu brutale de franchise sans détour, mais qui dégénère parfois en sans-gêne dans les manières. Par contre, il est devenu gauche et réservé dans ses manifestations de tendresse.

Que le prisonnier soit conscient ou non de son attitude, il revient avec une mentalité de revendicateur. Elle prend corps en tout cas dès les premiers contacts qu'il a avec la vie du pays. Il rentre et il espère être regardé comme un centre d'intérêt, sinon comme un héros qui a vécu une aventure que n'ont pas connue ceux qui l'entourent. Il revient avec la volonté de faire quelque chose pour les camarades. Depuis l'arrivée des travailleurs du S. T. O., il savait bien que le français n'avait pas changé. Il n'avait plus d'illusion sur la Révolution nationale et se disait qu'il n'allait pas retrouver un pays meilleur qu'auparavant. Mais il est surpris de ne pas voir réalisés les rêves d'amélioration qu'il savait en partie faux. Il n'est pas encore adapté à ce qu'on lui avait dit et il s'en trouve choqué. En Allemagne, les toilettes et les fards étaient presque inconnus : il en voit ici partout. Il sait qu'on n'a souvent pu obtenir des colis et de l'argent pour les prisonniers qu'à force de séances récréatives et même de bals ; il trouve ces « générosités » bien faibles à côté de son épreuve. Il s'aperçoit vite que ses compatriotes ont très peu pensé à lui pendant son absence, que l'on n'a pas de prévenances spéciales à son égard, que l'on continue à vivre en oubliant peu à peu ceux qui ont été en captivité. On s'intéresse sans doute à lui, mais le prisonnier et le civil se rendent compte rapidement que, de part et d'autre, il faut de la bonne volonté pour écouter les bavardages de l'interlocuteur. Ce que le prisonnier racontait à ses camarades et qui les intéressait n'intéresse pas le civil ; ce qui répond aux préoccupations des civils et dont ils discutent entre eux à longueur de journée est étranger à l'état d'esprit des prisonniers. Chacun en écoutant l'autre a l'impression de se trouver devant un spécialiste de questions qu'il n'arrivera pas à comprendre pleinement, cette impression que les prisonniers éprouvaient souvent quand ils parlaient à des civils allemands ou que nous éprouvons tous, en causant avec des hommes d'une autre génération. Seuls certains centres d'intérêt sont communs et ce sont toujours les mêmes questions auxquelles doit répondre le rapatrié. Quelques-unes sont saugrenues et semblent supposer que le prisonnier, qui n'était pas libre de ses mouvements, connaît à fond l'Allemagne et toute l'Allemagne. Hitler est-il mort ? lui demande-ton, ou bien : est-ce vrai ce qu'on dit sur Buchenwald ? On a même demandé à l'un d'entre nous : « Avez-vous vu Hitler ? »

Le civil généralise à outrance les déclarations des prisonniers ; il y relève de multiples contradictions ; il a de la peine à admettre que le sort du captif présentait une énorme diversité, depuis la vie de famille chez certains employeurs, jusqu'à un véritable bagne dans certaines fabriques.

On aime généralement à le féliciter sur sa « bonne mine », et ce qui n'est quelquefois qu'une formule de politesse, comme on l'emploie pour rassurer un malade, prend aux yeux des prisonniers tournure d'insulte ou de jalousie.

On résume sa déclaration de la sorte : « En somme vous n'avez pas trop souffert ! » sans songer à ce que peut être une séparation totale de 5 ans d'avec ses parents, ses goûts, son pays, ou même la monotonie épuisante de sa nourriture, de son travail, de toute sa journée. Il s'aperçoit que la plupart de ceux qui ont de l'argent continuent à éclabousser les autres de leur luxe, de leur insouciance, sans se préoccuper de ceux qui sont dans la misère. Il est choqué par les distractions, par les toilettes, par l'égoïsme qui s'étale partout. D'où, bien vite, chez beaucoup, une certaine aigreur, un certain ressentiment se font jour. Le prisonnier n'a aucune indulgence. Il ne comprend pas que l'on ne sache pas s’entraider, rester uni dans le malheur. Il se sent incompris. Il s'imagine être de trop dans un monde où il fait figure d'étranger et il manifeste souvent, les premiers temps, une certaine nostalgie du camp ou du kommando. Certaines femmes de rapatriés ont noté pourtant que le prisonnier, par certains côtés, est comme rajeuni. Il aime sortir, s'habiller en jeune homme. Il a besoin de jouir de sa liberté, de s'extérioriser. Le prisonnier revient également avec quelques illusions. Il a réfléchi. Il a examiné le passé et bâti des projets d'avenir. Il a vécu parfois une vie intérieure intense, si le milieu dans lequel il se trouvait lui en a fourni l'occasion. Mais tout cela de façon un peu abstraite, très loin de la réalité et des problèmes concrets, sans éprouver les résistances qu'ils opposent à nos rêves. Par contre, un prisonnier qui a passé quatre ans, complètement absorbé par le travail manuel, sans possibilité de s'épanouir humainement, peut revenir hébété, diminué. Il aura besoin d'un certain temps pour se reprendre. Somme toute, chez les uns et les autres, un irréalisme qui peut présenter toutes les nuances entre deux cas extrêmes qui sont heureusement très rares : l'abrutissement et l'exaltation.

 


L'épouse du rapatrié.

 

La femme, elle, aura eu à soutenir durant l'absence du mari une tension constante contre la vie. Le prisonnier ne s'en rend pas assez compte en captivité. Son épouse a dû le remplacer pour gagner le pain quotidien, pour assurer l'éducation des enfants. Elle s'est privée pour lui envoyer des colis. Elle s'est privée pour les enfants. Elle a lutté pour joindre les deux bouts. Elle a trouvé très peu d'appui autour d'elle. Parfois même, sa famille ne l'a guère aidée. Elle s'est heurtée à l'indifférence, à la méchanceté de ceux que le souvenir des prisonniers, comme celui de toute souffrance, dérange et agace dans leur vie satisfaite et comblée. Elle a lutté, dans la solitude, pour être fidèle. Dans bien des cas, matériellement ou moralement, elle a plus souffert que son mari. Elle a tenu jusqu'à son retour, c'est entendu. Sa résistance nerveuse l'y a aidée, mais aussi l'a usée. Au point de vue moral, elle s'est durcie. Elle a dû discuter avec l'employeur, les fournisseurs, les fonctionnaires, pour défendre ses intérêts. Elle s'est frayé un chemin alors qu'autrefois elle suivait le sillage tracé par son mari. Elle s'est isolée et est devenue farouche. Elle a acquis des réactions masculines. Elle a pris goût, sans s'en apercevoir peut-être, à me certaine indépendance. Le mari avait peut-être quitté une petite fille qui était soumission totale, insouciance et gaieté et il va retrouver une femme qui est devenue plus grave, qui s'affirme en s'opposant que la souffrance a mûrie et peut-être vieillie. En même temps, elle a accumulé un immense besoin de tendresse. Elle espère retrouver, quand il reviendra, ces prévenances, cette affection de détail qui ont fait le charme des premières années de mariage. Elle a besoin d'intimité. Elle a hâte aussi de donner sa démission de chef de famille et de trouver une détente reposante en reprenant uniquement son rôle d'épouse et de maman. En général, on note que la femme du rapatrié a davantage le désir des rapports conjugaux que son mari. D'autres femmes, par contre, beaucoup plus rares, se sont accommodées facilement, parfois même avec satisfaction, des responsabilités d'homme qu'elles avaient à assumer durant l'absence du mari. Elles ont de la peine, lorsqu'il rentre, à ne plus décider, à ne plus commander. Cette indépendance de la femme séparée de son époux s'est parfois manifestée, suivant les tempéraments, par de la négligence dans le ménage, dans la tenue extérieure. La femme n'a plus eu le courage de faire l'effort nécessaire pour rester élégante, avenante, comme s'il était là, d'entretenir avec goût l'intérieur, les petits. Parfois, au contraire, sans mauvaise volonté, du reste, elle s'est organisée sans penser à s'interroger sur ce qu'il lui conseillerait dans telle circonstance. Elle s'est habillée, coiffée, elle a acheté tel meuble, elle a pris telle décision pour l'instruction ou l'avenir des enfants, sans songer qu'il pourrait s'étonner au retour de n'avoir pas été consulté. Ayant souffert de l'absence de son mari, la femme du rapatrié a quelquefois tendance à accaparer celui-ci, à être inconsciemment jalouse de ne pas l'avoir pour elle seule, à se croire reléguée au second plan quand il rencontre un camarade de captivité, quand il raconte à d'autres ses souvenirs qu'elle a déjà entendus vingt fois, quand il consacre une partie de ses loisirs à un organisme d'entraide aux prisonniers. Lui a vécu une aventure aux épisodes multiples, dont il aime à rappeler les détails pittoresques. Elle n'a rien à dire. Ses souvenirs sont avant tout intérieurs et liés à un cadre qui n'a pas subi de transformations notables. La femme la plus compréhensive ne comprend pas parfaitement ce que le prisonnier a souffert. Elle s'arrêtera forcément à l'extérieur. Nous avons déjà dit que la réciproque est vraie de la part du mari.

 


Vers l'unité.

 

Le rapatrié et sa femme se retrouveront donc après des années d'absence et ni l'un ni l'autre n'apporte de souvenirs communs. Le seul lien qui a maintenu concrètement leur union a consisté dans les quelques lignes hebdomadaires réglementaires qui, par crainte de la censure, répétaient chaque fois les mêmes banalités. On était bien content d'écrire et surtout pour lire la réponse, mais que mettre sur ces 20 lignes ? Un agrégé de physique disait : « Si j'étais les Allemands, pour simplifier la tâche de la censure et celle des prisonniers, je donnerais, en guise de lettres, des formulaires imprimés où il suffirait de biffer les mentions inutiles. »

Seules, quelques lettres clandestines de colis ont pu permettre, et seulement à l'épouse, de parler à cœur ouvert. Il est donc presque fatal qu'on ait oublié de se comprendre, surtout depuis la suppression de la correspondance après juin 1944. L'unité du foyer est à reprendre, au moins en partie, au retour. Un effort de compréhension mutuelle est nécessaire. Il est impossible que l'évolution de chacun des époux, en l'absence de l'autre, ait été absolument parallèle. Qu'on le veuille ou non, on est passé plus ou moins d'une mentalité sociale, communautaire, qui est le propre de l'état conjugal, à une mentalité individualiste, la mentalité de célibataire qu'on avait avant le mariage. On parle de lune de miel quand on songe au retour. Gardons le terme et l'espérance qu'il évoque chez le prisonnier et sa femme ; ajoutons simplement que c'est une lune de miel entre deux mariés qui se retrouvent moins jeunes, moins résistants, moins spontanés et qui auront besoin de prendre plus de précautions qu'autrefois l'un envers l'autre, afin de constituer de nouveau un seul corps et une seule âme.

 


Les enfants.

 

Il reste à signaler les difficultés qui peuvent provenir des enfants nés avant la captivité ou quelques mois après dans les ménages de rapatriés.

Les foyers présents à la réunion ont tous et très spécialement insisté, surtout les papas, sur ce point précis. La mère, en l'absence de son mari, a reporté tout son dévouement et sa tendresse sur ce petit qui a pris une place prépondérante dans ses préoccupations. C'était, pour elle, le souvenir, la présence vivante de celui qui n'était plus là. Sans doute, elle a fait tout ce qu'elle a pu, et avec amour, pour entretenir chez l'enfant la pensée et l'affection du père. Tous les soirs on a embrassé la photo. On a écouté Maman qui raconte ce que fait l'absent, ce qu'il faisait avant la guerre. Pourtant, l'image du morceau de carton, ce n'est pas la même chose qu'un papa en chair et en os. L'enfant s'est constitué, dans sa petite tête, une représentation idéale de cet être qu'il ne connaît pas ou qu'il ne se rappelle plus. De plus, la mère n'a pas eu toujours la fermeté nécessaire dans l'éducation. Elle a été faible. L'enfant s'est habitué peut-être à être un peu gâté. Le père revient. L'enfant a grandi. Quel que soit l'âge qu'il avait au moment du dernier départ, cinq ans ont profondément modifié le garçon ou la fillette. Ceux qui étaient à l'âge prépubéral sont devenus des adolescents, de petits hommes ou de petites femmes. Ceux qui étaient des poupons vagissants ou qui n'avaient pas encore fait leur apparition à la lumière sont devenus des bambins solides sur leurs jambes, qui bavardent et qui résistent. Le père n'a rien vu de l'évolution lente qui a abouti à ces transformations. À propos des enfants nés durant l'absence des prisonniers, tous notent qu'ils ont eu l'impression de trouver une figure nouvelle au foyer, un être inconnu qui ne leur appartient pas, qui ne fait pas partie de leur univers sensible. Ils ont de la difficulté, même après quelques mois, à s'imaginer que cet enfant est bien à eux. D'où, une tendance à être plus sévère à son égard, à lui témoigner un certain ressentiment de vous décevoir, de n'avoir pas attendu votre retour pour pousser et se développer. De plus, la nécessité de reprendre en mains l'autorité, l'irritabilité, notée chez le rapatrié, tout cela va former un complexe qui influe beaucoup sur le comportement envers l'enfant. Ce dernier se heurte donc à un être réel qui prend des décisions, des sanctions, parfois brutales, à son égard, à quelqu'un, par-dessus le marché, qui vient se mettre en tiers entre sa mère et lui, qui lui dérobe une partie de la tendresse qu'elle lui manifestait. On note, mais rarement, de dures réflexions d'enfants qui sont capables d'être la cause de froissements sérieux entre les époux : « Maman, ton mari t'appelle ». — « Quand est-ce qu'il repartira, le Monsieur ? » - « On était bien plus tranquille, quand il n'était pas là ! »


 

Difficultés accessoires.

 

Si on ajoute à l'ensemble de ces difficultés celles qui peuvent venir du point de vue pécuniaire ou du point de vue du travail de la femme, celles qui peuvent venir aussi de l'indiscrétion, de l'accaparement que l'entourage familial, parents ou beaux-parents, peut manifester à l'égard du rapatrié, on aura fait le tour, semble-t-il, de tout ce qui a été signalé durant cet échange de vues.

Notons que dans certains foyers la gêne est plus grande après le retour qu'avant. La femme touchait allocations, parfois salaire de son mari. Ce dernier rentre, tout cela est supprimé et il y a une personne de plus à nourrir et à entretenir. Certaines femmes sont obligées de se mettre à travailler après la rentrée de leur mari. Enfin, les heures de travail de la femme ne correspondent pas toujours à celles du mari, quand celui-ci a retrouvé un emploi, et la séparation semble ainsi se continuer entre deux êtres qui aspiraient tant à se retrouver. »

 

 

 




[1] Article publié dans une brochure intitulée « Nos rapatriés » et éditée en 1945 par l’Aumônerie des Prisonniers et Déportés, 16 avenue Tarayre, 12 Rodez. Avec l’aimable autorisation du service des archives du Diocèse, nous reproduisons ici ces quelques pages qui à elles seules donnent un aperçu d’époque, assez concis et réaliste sur la réinsertion du rapatrié dans sa famille et dans la France de l’après-guerre.


EPILOGUE du tome 1 : "Soldat en Alsace-Lorraine"

 

Épilogue

& Avant-propos au tome 2

 

 


Dans la confusion totale, le 49e R.I. reflue vers Saint-Dié et ses hommes encerclés sont faits prisonniers le samedi, 22 juin 1940.


Le témoignage de Léon Noguéro, soldat vaincu, ne s’arrêtera pas à la fin de la campagne de France, le 25 juin 1940. L’annonce du 17 juin du maréchal Pétain comme quoi il envisage de demander l’armistice créée l’espoir de voir se terminer la guerre et de regagner au plus tôt son foyer. Hélas, la longue marche vers un camp de regroupement situé à Strasbourg se poursuivra tristement pour Léon Noguéro jusqu’à son internement au Stalag V-A en Allemagne le samedi 27 juillet 1940. 


Il y connaîtra durant près de cinq interminables années le drame de la captivité, la privation, le sacrifice de sa jeunesse et la souffrance morale d’une « liberté conditionnelle » vécue au jour le jour. Au cours de toutes ces années, il sera amené à se déplacer dans le Nord de l’Allemagne pour y exécuter des travaux avec ses camarades de Kommando et améliorer, un tant soit peu, leur cadre de vie face aux conditions miséreuses rencontrées dans la majorité des Stalags. 


Il sera amené à appliquer son savoir-faire professionnel d’électricien dans le bâtiment, pour le compte de la Wehrmacht qui était impliquée dans la gestion de cette main d’œuvre, mais aussi à partager le quotidien des civils allemands et parfois même une intimité toute relative avec eux. Mais ce récit extrêmement dense, cette autre histoire porteuse de sens pour tous ceux qui cherchent à mieux comprendre la captivité des prisonniers de guerre français pendant la Seconde Guerre mondiale, ne pouvait contenir en un seul ouvrage.


            Il était donc logique de donner une suite à ce premier récit et de publier chez le même éditeur et dans la même collection le second volume :

 

Prisonnier de guerre en Allemagne

Récits de captivité (1940-1945)

Tome 2

Cliquer sur l'image pour avoir accès à la visionneuse du site des Éditions

L’Harmattan, 2017

ISBN : 978-2-343-11883-3

 


La mémoire collective est riche de tous les souvenirs de ceux qui ont vécu ou partagé les événements particuliers de cette période.

 

Est-il souhaitable, comme certains l’affirment, qu’elle s’estompe ou qu’elle se borne à reproduire un cliché un tant soit peu morne d’un passé révolu et parfois même caricatural ?

     Où doit-elle, entre mémoire indicible et oubli, devenir pour les générations futures un gage d’assises empiriques fondées sur la mémoire des hommes et une histoire somme toute révolue ?

Lors d’un discours donné en 1985 [1] à l’occasion du 40e Anniversaire du retour des prisonniers de guerre et de la création de leur Fédération en 1945 (F.N.C.P.G. et C.A.T.M.) [2], M. Georges Lepeltier, président de la Fédération nationale, souligna l’importance de cette expérience extraordinaire et sans précédent ainsi que des leçons tirées de cette captivité et qui doivent demeurer un témoignage accessible à tous.

            « C’est donc cette union de tant de forces, de tant de sensibilités, de tant de cœurs qui fait la richesse que notre rassemblement aujourd’hui symbolise. Alors, allons à l’essentiel. L’essentiel, c’est ce qui a été en fin de compte l’enjeu de notre combat d’il y a 45 et 40 ans. L’essentiel c’est qu’une certaine notion de l’homme et de sa dignité, de sa dignité qui doit être honorée et servie en tout homme quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soient ses convictions, quelle que soit sa foi, quelle que soit sa condition sociale, quel que soit son rang. La victoire remportée en 1945 ne débouchait pas et n’avait pas à déboucher pour nous de ce que je ne sais quelles conquêtes territoriales. C’était la victoire de la dignité d’homme contre tous les fanatismes. Il ne faut donc pas que nous laissions reparaître dans la vie de chaque jour de notre Société contemporaine trop de signes qui nous obligeraient à demander et à nous demander s’il est tellement vrai, s’il demeure vrai que Hitler a perdu la guerre.

« Nous avons connu, à nos côtés, dans le combat pour la liberté et la dignité de l’homme, pour la justice, pour la fraternité tant de camarades auxquels nous n’avons jamais demandé d’où ils venaient, ce qu’ils pensaient. Nous avons su, depuis 40 ans, rassembler dans nos rangs tant de concitoyens, de compagnons de misère dont les opinions ne nous ont jamais préoccupés ; à propos desquels nous ne nous sommes jamais demandé ce qu’ils pouvaient penser ! Au bout de cette fraternité, au long de cette action commune se trouvent les gages essentiels de la liberté, de la justice et de la solidarité. »

 


Le tome 2 « Prisonnier de guerre en Allemagne - Récits de captivité » se propose de réunir, sans raccourcis historiques, les faits les plus marquants qui se sont passés en France au fil des années de captivité vécues de l’autre côté du Rhin par Léon Noguéro.

 

Se penchant autant sur les mesures politiques du gouvernement de Vichy que sur la réalité quotidienne, il se propose d’apporter avec force de détails un éclairage permettant de mieux appréhender la vie du prisonnier de guerre français en Allemagne et celle de ses concitoyens de l’Hexagone.



Dans les pages qui suivent (chapitre 25), en prêtant une attention toute particulière aux problèmes liés au retour des prisonniers et rapatriés dans leur foyer, le lecteur sera en mesure d’aborder la continuité de ce témoignage en toute connaissance de cause.  

    




[1] 13-14 Avril 1985, salle des Ingénieurs civils, rue Blanche, Paris. Le Président de la République, François Mitterrand, a tenu à témoigner son amitié et sa fidélité à la Fédération en assistant au dîner qui clôturait le Conseil National.

[2] Fédération Nationale des Combattants Prisonniers de Guerre et Combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc. http://www.fncpg-catm.org/


JUILLET 1940 Prisonnier des Allemands

 

Juillet 1940


 

Quart de Léon Noguéro


Lundi 1er JUILLET 1940 = 200 g de pain, 60 g de viande, ¼ de café

 

« Le gouvernement français quitte Bordeaux situé en zone occupée et s’installe en zone libre, à Vichy. » [1]

 


Mardi 2 JUILLET 1940 = 200 g de pain, ¼ de soupe, 20 g de lard,

30 g de miel, ¼ de café

 


Mercredi 3 JUILLET 1940 = 200 g de pain, ¼ de soupe, 15 g de lard,

1 cuillerée de confiture

 

« À Mers-el-Kébir, en Algérie, sur décision de Churchill, la plus grande partie de la flotte de guerre française est détruite par la force H britannique. » [2]

 


Jeudi 4 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 60 g de singe, ½ soupe,

20 g de graisse, 2/4 de purée, ¼ de café

 


Vendredi 5 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 70 biscuits, ½ de soupe,

2/4 de purée, ¼ de café

 


Samedi 6 JUILLET 1940 = 60 g de singe, ½ de soupe, 20 g de graisse,

2/4 de purée, ¼ de café

 

 

Dimanche 7 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 2/4 de bouillon liquide,

20 g de lard, 18 g de nouilles, 2 cuillerées de confiture, ¼ de café

 

« La flotte française d’Alexandrie, d’un commun accord avec les Britanniques, est partiellement désarmée sur place. » [3]

 


Lundi 8 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 50 g de singe, 2 quarts de soupe, 20 g de graisse, ¼ de café

 

« À Dakar, immobilisation par une torpille britannique du Cuirassé Richelieu. » [4]

 


Mardi 9 JUILLET 1940 = 100 biscuits, 10 g de viande, 2 quarts de soupe,

½ pomme de terre, ¼ de café

 


Mercredi 10 JUILLET 1940 = 300 g de pain moisi, 58 g de singe,

¾ de soupe, 120 g de miel, ¼ de café

 

« À Vichy, par 569 voix contre 80 et 20 abstentions, l’Assemblée nationale vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. » [5]

 


Jeudi 11 JUILLET 1940 = 200 g de pain moisi, 60 g de singe,

2 quarts de soupe, 20 g de graisse, 20 g de pâtes, ¼ de café

 

« Le maréchal Pétain chef de l’État français. » [6]

 


Vendredi 12 JUILLET 1940 = 60 g singe, 2 quarts de soupe, 20 g de graisse, ¼ de café

 


Samedi 13 JUILLET 1940 = 65 g de pain, 60 g de singe,2 quarts de soupe, 15 g de margarine, 12 g d’avoine, 50 g de miel, ¼ de café

 


Dimanche 14 JUILLET 1940 = 180 g de pain, 50 biscuits, 60 g de singe,

2 quarts de soupe, 50 g de miel et 1 cuillerée de confiture, ¼ de café

 


Lundi 15 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 60 g de singe, 2/4 de choux

 


Mardi 16 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 80 g de viande, 4/4 de soupe,

 25 g de choux, ¼ de café



Mercredi 17 JUILLET 1940 = 400 g de pain, 4/4 de soupe, 20 g de lard,

12 g de nouilles, 5 g d’avoine, 1 cuillerée de confiture, 2/4 de café

 


Tarbes, mercredi 17 juillet 1940                                              170/328

 

Bien chère maman,

Après plus d’un mois de terrible attente, nous venons d’avoir, à l’instant, une carte avec 2 mots de Léon que nous présumons prisonnier et dit juste qu’il est en parfaite santé. Peut-être en aurez-vous aussi et qu’il nous écrira plus longuement bientôt. Alors, chère maman, nous voilà plus tranquilles et je le souhaite pour tous les autres de Cadéac. J’avais écrit le 08 à la Croix-Rouge de Genève, je ne vais pas tarder à avoir la réponse malgré que maintenant je suis rassurée. Espérons que tout s’arrangera assez vite et qu’il reviendra vite parmi nous. Alors, chère maman, bon courage. Faites-nous écrire s’il vous faut quelque chose et nous irons peut-être vous voir bientôt. Ici, toujours la pluie. Le bonjour à la famille Soulé qui j’espère ont dû avoir, eux aussi, de bonnes nouvelles d’Alphonse. Sommes en bonne santé et vous en souhaitons de même. Bons baisers de tous deux. Je lui écrirai sitôt qu’il m’aura donné l’adresse.  Ne vous en faites pas. Louis et Léonie.

 


Jeudi 18 JUILLET 1940 = 200 g de pain, 60 g de singe, 4/4 de soupe,

50 g de choux, ¼ de café

 


Vendredi 19 JUILLET 1940 = 300 g de pain, 60 g de singe, 2/4 de soupe, 13 g de margarine, 18 g d’avoine, 1 cuillerée de confiture, ¼ de café

 


Samedi 20 JUILLET 1940 = 300 g de pain, 60 g de singe, 12 g de margarine, 6 g de nouilles, 2/4 de café

 

« Ralliement à la France libre des Nouvelles-Hébrides, premier territoire à répondre à l’appel du général de Gaulle. » [7]

 


Dimanche, 21 JUILLET 1940 = 60 g de singe, 2/4 de soupe, 25 g d’avoine, 1 cuillerée de confiture, ¾ de café

 


Lundi, 22 JUILLET 1940 = 800 g de pain, 50 g de singe, 50 g de saucisse, 40 g de lard, 40 g de graisse, 25 g d’avoine, 4/4 de café


« Loi prescrivant la révision des naturalisations intervenues depuis le 10 août 1927. » [8]



Mardi 23 JUILLET 1940 = 200 g de pain, ¼ de lait/son, 2/4 de soupe

 

« Loi prononçant la déchéance de la nationalité française et la confiscation des biens de quiconque a quitté le territoire métropolitain entre le 10 mai et le 30 juin 1940. » [9]

 


Mercredi 24 JUILLET 1940 = 250 g de pain, 2/4 soupe, 6 pommes de terre + sel, 1 cruche

 

« Annexion « de facto » de l’Alsace et de la Lorraine au Reich. » [10]

 


Jeudi 25 JUILLET 1940 = 200 g de pain, ¼ de lait/son, 2/4 de soupe,

¼ de petit-lait

 

« Loi rendant coupable de crime de trahison et d’intelligence avec l’ennemi tout français qui, sans autorisation, prend ou conserve du service dans une armée étrangère. » [11]

 


Hendaye, ce 28 juillet 1940                                                         170-1

 

Cher Monsieur et Madame Durrieu,

Voici quelque temps déjà que ma soeur[12] vous a écrit. Aujourd’hui, Hélène a reçu deux lettres de Léon du 12 et 13 juin ; elles ne sont pas très fraîches. Vous autres, savez-vous quelque chose de plus nouveau ? André, depuis aussi le 13 juin, je ne sais rien du tout, ses parents non plus n’ont pas de nouvelles, que de notre voisin de Souyeaux qui était avec lui et est prisonnier dans la Meurthe-et-Moselle. Il a écrit chez lui. Peut-être qu’André y est aussi… ? Notre grand frère est rentré depuis quelques jours, sa présence atténuera un peu le chagrin de ma pauvre petite maman quand on songe que nous ne verrons plus notre petit Roger – cela Madame est une chose affreuse.

Au revoir, chère Madame et cher Monsieur, nous vous embrassons bien affectueusement toutes les deux.

Élise Dilhan

  

 

 

CARNET

 

Le samedi 27 juillet 1940, j’arrivais au stalag[13] V-A

de Ludwigsburg[14]

 


 



[1] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 53

[2] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 53

[3] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 53

[4] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 53

[5] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 53

[6] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 54

[7] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 54

[8] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 54

[9] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 54

[10] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 54

[11] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 », op. cit., p. 54

[12] Hélène Dilhan.

[13] Abréviation de mannschafts STAmmLAGer : « camp de prisonniers de guerre. »

[14] Ville située près de Stuttgart dans le Baden-Württemberg, à seulement 160 km. de Strasbourg.


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Soldat en Alsace-Lorraine (1939-1940)

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