samedi 10 décembre 2022

Septembre 1939 en Lorraine

 


Mardi 5 septembre 1939 carte postale                                             01

Léon Noguéro à Mme et Mr Louis Durrieu,

63 rue Alsace-Lorraine, Tarbes,

65 Hautes-Pyrénées

 

Dax, mardi 2 h. Rejoignons Bayonne par Dax. Partons à 4 h.10, tout va bien. Bons baisers. Léon

 

Mercredi 6 septembre 1939 carte postale                                         02

 

Chère sœur et cher beau-frère,

Après avoir passé la première nuit à l’hôtel en compagnie d’un jeune copain, avec qui je suis en ce moment, nous avons rejoint l’ex-collège de jeunes filles où nous cantonnons dans les pièces sur la paille. Tout va bien. Je vais porter la valise. Suis à l’État-Major du 49e d’infanterie. Ne sais pour combien sommes là. Depuis ce matin, nous faisons la sieste. Tout va bien. Léon

 

Jeudi 7 septembre 1939 carte postale                                               03

 

Chère sœur et cher beau-frère,

Un bonjour de Biarritz où je suis en promenade avec mon copain. Étant assez libres, nous nous sommes permis d’aller respirer un peu. Tout va bien.  J’attends de vos nouvelles à l’adresse indiquée hier. Bons baisers. Léon

 

Samedi 9 septembre 1939 : Les Allemands sont devant Varsovie.[1]

 

Tarbes, lundi 11 septembre 1939                                                      03-1

Carte de Léonie Noguéro, épouse Durrieu, expédiée

 à sa mère, Ramona, domiciliée à Cadéac (Vallée d’Aure – Hautes-Pyrénées)

 

Bien chère maman,

Deux mots pour vous dire que nous avons eu de bonnes nouvelles de Léon qui est à Bayonne depuis 8 jours.

Sitôt que les trains seront rétablis, nous irons vous voir. Ne vous en faites pas, si vous avez besoin de quelque chose faites-nous faire deux mots de suite. La correspondance marche au ralenti. Louis fait toujours la nuit à la gare. Nous sommes en bonne santé et vous en souhaitons de même. Un de ces jours, je pense aller voir Léon avec une voisine et prendre sa mallette.

Recevez nos bons baisers. À bientôt de vous voir.

Louis et Léonie

Jeudi 14 septembre 1939 carte postale                                              04

 

Chère sœur et cher beau-frère, deux simples mots pour vous dire que tout va bien. La santé est bonne. Tout va bien. Léon

 

Ma nouvelle adresse : 1re Classe Léon Noguéro

49e Régiment d’Infanterie -  Compagnie de Commandement Secteur Postal 30

 

CARNET

Jeudi 14 septembre 1939

 

[Au rapport, notre commandant de compagnie, le capitaine Pambrun, curé de Salies-de-Béarn, commence à nous donner notre future adresse : Secteur postal 30. Tout cela est bien vague et c’est vainement que nous fatiguons nos méninges pour savoir dans quelle direction ce secteur sera. Ensuite, c’est l’ordre de départ pour notre section qui est la troisième. Réveil : trois heures ; rassemblement à quatre heures trente ; embarquement et départ de la gare maritime à huit heures trente. Là, nous apprenons que nous sommes dirigés sur Bordeaux puis Juvisy, gare de triage de la banlieue parisienne. Nous prenons place dans un des confortables wagons : chevaux 8, hommes 40.

Hélas, nous étions déjà en surnombre de quelques hommes. Une botte de paille à étaler et nous voilà assis chacun devant son matériel sur le pourtour du wagon. Quelques-uns, amateurs de paysages, et je comptais pour un prenant place à l’ouverture les jambes ballantes en dehors, accoudés sur une planche transversale qui nous servait de garde-fou. Notre voyage fut plus long que nous l’aurions cru. Tout d’abord, les Landes et leur immense tapis vert de pins. Le train marche pourtant vite, mais il nous semble qu’il fait du sur place vu que le paysage n’est guère varié. Nous traversons cependant des étendues complètement nues, les forêts ayant été dévastées par de violents incendies voici à peine quelques années. Nous traversons Dax, Morcenx et nous arrivons à Bordeaux où quelques minutes seulement nous sont accordées.]

 

Vendredi 15 septembre 1939 carte postale                                     05

 

Un bonjour de Morcenx où nous passons. Tout va bien. Bons baisers. Léon

 

CARNET

[Chacun écrit quelques cartes, fait provision de carburant (vin) et, soudain, le clairon retentit. Nous bondissons au passage souterrain et les retardataires arrivent encore alors que le train démarre lentement.

Nous traversons les quais bordelais où sont amarrées bon nombre d’embarcations. Nous apercevons des unités navales en construction et plus loin, à quai, le Massalia, des grues, des ponts roulants.]


Vendredi 15 septembre 1939 carte postale                                       06

Réponse le 21/09

 

Chère sœur et cher beau-frère,

Je vous ai envoyé un mot de Morcenx, mais tellement précipitamment que j’ai omis de mettre FM et mon adresse. Sommes pour un court arrêt à Bordeaux. Tout va bien. Bons baisers. Votre frère et beau-frère. Léon

 

CARNET

[Ensuite, des vignes, toujours des vignes et piqués, par-ci par-là, des panneaux portant l’origine, le cru de la propriété.

Voici Libourne où la Croix-Rouge et les scouts nous ravitaillent gracieusement en café chaud, en pêches. Les scouts s’occupent plus particulièrement de recueillir la correspondance tout le long du convoi et d’offrir des cigarettes, mais, pas à titre gracieux. Nous continuons notre route sur Périgueux où les paysans nous apportent de pleins paniers de pêches. Après quelques minutes d’arrêt, nous repartons pour arriver dans la nuit à Limoges. Là, est venu trouver la mort un civil, venu au passage du train militaire dans l’espoir d’y trouver quelques Pyrénéens. Il avait eu cette satisfaction et était perché sur le marchepied lorsque sur une brusque et inattendue manœuvre de la motrice, il perdit l’équilibre et le wagon le coupa en deux. Notre arrêt fut légèrement prolongé pour permettre l’enquête d’usage et nous repartions sur Vierzon, Orléans. Sur notre passage, nous apercevons sa cathédrale, ensuite la plaine de la Beauce où d’immenses hangars regorgent de paille. Dans chaque petite ville, des silos renferment le blé. Nous approchons de Paris que nous évitons pour passer par la banlieue. De grosses cheminées percent au loin, semblables à celles d’un gros navire. Plus à droite, et qui pointe par-dessus les coteaux, le sommet de la Tour Eiffel. Continuant toujours notre route, nous arrivons à Juvisy. Mais hélas, là n’était pas le but de notre voyage. Après un court arrêt, nous repartons. Dès ce moment, nous avions compris. Cela ne nous empêchait pas de chanter « Bet ceü de Paü » et « les Montagnards » - dans toutes les agglomérations qui se trouvaient sur notre passage – nous rendions des bonjours à tous ceux qui nous en envoyaient et encouragions toutes les femmes qui avaient des larmes aux yeux : « Nous repassons dans quelques semaines » leur disions-nous. Glissant toujours sur les rubans d’acier, nous continuons notre beau voyage en passant par Meaux, Château-Thierry, Épernay, Reims, Châlons-sur-Marne, traversant ainsi la Champagne pouilleuse. Nous arrivons à Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Neufchâteau, Épinal (dans les Vosges, dit-on), ensuite Lunéville et enfin Saverne, but momentané de notre voyage.

Avec les kilomètres, le temps avait passé et nous atteignions cette dernière station le samedi soir, 16 septembre, à sept heures et demie. Sitôt débarqués, sac au dos et nous prenons une route qui monte, qui monte toujours et après avoir parcouru sept kilomètres, nous arrivons à Danne-et-Quatre-Vents où nous devions nous installer. Il était dix heures du soir, nous étions en Alsace, dans la Moselle. Nous cantonnons chez l’habitant. Toutes les granges sont réquisitionnées, cependant que les attelages agricoles sont mis dehors camouflés et dispersés sous des arbres. Hier, la compagnie a travaillé à creuser des abris en cas d’alerte d’avions.

Mon copain et moi sommes téléphonistes de garde au P.C. du régiment le 19 septembre 1939.]

 

Lundi 18 septembre 1939 carte F.M.                                                 07

Reçue le 16/10

 

Chère maman,

De ton fils, les meilleurs baisers. La santé est bonne. Tout va bien. J'ai vu André Artigue. Nous sommes pour ainsi dire ensemble. Léon

 

Lundi 18 septembre 1939 carte postale                                            08

Réponse le 25/09

 

Chère sœur et cher beau-frère,

Suis arrivé au but de notre voyage. Tout va bien. Ici, la température est un peu fraîche et te prierai de m’envoyer un pull et un petit cache-nez. Tu pourras y joindre quelques boîtes de sardines. Car ici, pas moyen d’en trouver. Bons baisers et à bientôt de vous lire. Léon

 

Vendredi 22 septembre 1939 lettre                                                  09

Reçue le 27/09, réponse le 27/09 (lettre) + carte le 29/09

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

Ce soir, au rapport, on vient de nous annoncer que toutes les lettres expédiées par nous et portant notre adresse au dos de l’enveloppe étaient arrêtées.

Toutes celles que j’ai envoyées jusqu’à ce jour étaient ainsi. C’est pourquoi, dans le cas où elles ne vous seraient point parvenues, je m’empresse de vous écrire la présente. Je vous ai également envoyé quelques cartes durant notre voyage ainsi qu’une vue du village où nous sommes, mais je doute qu’elles vous soient parvenues car on nous a également interdit d’envoyer des cartes. Hier, je vous ai envoyé dans une carte lettre un certificat de présence au corps pouvant faciliter à maman l’obtention d’une allocation. Si vous ne l’avez reçu, faites me le savoir afin que je m’en fasse faire un autre.

Chère sœur, dans ma précédente lettre, je te demandais de m’envoyer un pull, un cache-nez, une paire de chaussettes, la pipe, un briquet à mèches avec un tube de pierre et quelques boîtes de sardines. J’ai reçu, seulement aujourd’hui, la lettre que tu m’avais envoyée à Bayonne. Tout va bien, j'attends de vos nouvelles. Bons baisers à vous deux. Léon[2]

 

Vendredi 22 septembre 1939 carte-lettre F.M.                                 10

Reçue le 26/09, réponse le 30/09

 

Chère sœur et cher beau-frère,

Voilà quelques jours, je vous ai envoyé quelques cartes, mais je doute fort qu’avec toutes ces censures elles vous soient parvenues. C’est pourquoi je m’empresse de vous faire parvenir la présente. Tout va bien, la santé va toujours bien, tout est calme, la nourriture est bonne. Cependant, je dois dire que la région est un peu fraîche. C’est pourquoi, dans la précédente lettre, je t’ai demandé un pull et diverses petites choses. De crainte que la lettre n’arrive, j’ai prié Hélène[3] de te renouveler la petite liste. Sur trois, une arrivera bien sans doute. Je vous quitte pour ce soir en vous embrassant bien fort. Votre frère et beau-frère qui pense à vous. Léon

Ci-joint un certificat de présence au corps qui peut faciliter à obtenir une allocation. Peu de formalités à remplir, renseigne-toi puisque maman est maintenant seule. Je crois bien qu’elle aura satisfaction.

 

Vendredi 22 septembre 1939 carte-lettre F.M.                                  11

 

Chère maman,

Je t’envoie deux mots pour te dire que je suis toujours en parfaite santé. Je t’ai écrit à plusieurs reprises des cartes postales, mais je crains qu’avec toutes ces censures tu n’en aies pas rempagnçues de quelques jours. C’est pourquoi, afin de te tranquilliser, je m’empresse de t’envoyer ces quelques. Enfin, rassure-toi, tout va bien, nous sommes très bien, et bien nourris. Dans la région, il fait seulement un peu frais. J’ai également écrit à Léonie. Chère maman, je quitte la plume pour aujourd’hui en t’embrassant bien fort.  Ton fils. Léon

 

CARNET

Lundi 25 septembre 1939

 

[Huit jours ont passé, depuis notre arrivée à Danne-et-Quatre-Vents. À nouveau et pour la deuxième fois, nous voilà tous deux plantons téléphonistes, mais cette fois au central. Oui, huit jours ont passé durant lesquels nous avons fait de petits exercices de téléphonie – tout comme pendant l’active – moins importants même. Nous sommes là. Nous attendons sans rien savoir. Durant la semaine écoulée, un régiment d’artillerie lourde est passé, venant de la direction de Phalsbourg et allant sur Saverne. Pendant quelques jours, le trafic des voitures de santé était intense. Les blessés, parait-il, n’étaient pas gravement atteints. En dehors de ça, tout est calme. De temps à autre, le canon lointain tonne et quelques avions-amis, j’ose le croire, nous survolent. La température est fraîche, surtout la nuit. Je m’arrête pour aujourd’hui et, les jambes roulées dans la couverture, assis, je vais tâcher de dormir un peu, mais si possible, sans ronfler comme le font nos deux camarades secrétaire et téléphoniste du bureau que j’occupe et appartenant au canton routier n°1.]

 

Lundi 25 septembre 1939 carte-lettre F.M.                                     12

(à 1 heure du matin)                                                                                             

Reçue le 29/09, réponse le 30/09

 

Chère sœur et cher beau-frère,

Je viens de prendre mon poste de planton téléphoniste que je dois garder pendant 6 heures consécutives. J’en profite donc, la nuit passera plus vite, pour vous écrire.

J’ai reçu hier votre deuxième lettre du 15 courant, dirigée sur Bayonne. C’est depuis ce jour que nous avons quitté cette dernière ville. Depuis, je vous ai envoyé bon nombre de cartes ou lettres.  J’espère que malgré les incidents qui les immobilisent sur leurs parcours, vous les aurez toutes reçues.

Pour le moment, tout va bien. Nous faisons quelques petits exercices, comme pendant l’active. Nous creusons des tranchées, nous cantonnons chez l’habitant. Hier dimanche, nous avions repos. Nous sommes allés à la messe, dite en l’église du village par notre capitaine. Tout l’état-major était présent et la petite église était comble. Le temps est au beau, mais un peu frais. J’écris également à maman et aussi à Hélène. J’espère que tu auras reçu la lettre contenant le certificat de présence au corps ainsi que celle qui lui fait suite.

Bons baisers. Votre frère et beau-frère. Léon

 

Lundi 25 septembre 1939 carte-lettre F.M.                                      13

 à 2 heures du matin

 

Chère maman,

     Me voilà de service comme planton téléphoniste jusqu’au matin 7 heures. J’en profite pour faire ma correspondance. Pour le moment, tout va bien. Nous sommes à plusieurs dizaines de kilomètres du front. Nous nous occupons à faire des exercices comme pendant l’active et à nous creuser des tranchées en cas d’attaque éventuelle de l’aviation.

Nous cantonnons dans un petit village ; chez l’habitant. La santé est bonne, la température un peu fraîche. Je viens de recevoir des nouvelles de Louis et Léonie.

Je te quitte de plume pour aujourd’hui dans l’espoir que la présente ira te trouver en parfaite santé. Pour m’écrire, pas de timbres, simplement FM sur l’enveloppe. Baisers. Ton fils. Léon

 

CARNET

Vendredi 30 septembre 1939

 

     [Je suis à nouveau à mon poste de planton téléphoniste au P.C. du régiment. Il est trois heures et demie du matin, les deux secrétaires couchent ici, au bureau, sur la paille à demi habillés, roulés dans leur couverture et capote. Leur sommeil ma parait assez profond, il est parfois entrecoupé par quelques soupirs ou quelqu’une de ces respirations un peu trop bruyantes qui rappellent le sommeil de nos producteurs de saucisson et jambon. Cela me fait songer à un petit article relevé sur Paris-Soir d’hier : « Les Français nous jouent des tours de cochon pourraient dire les Allemands, car, parait-il, en France, en ce moment, on fait grande consommation de cochons, mais rares sont les saucissons et jambons que l’on pend au plafond. Ces quadrupèdes ont en ce moment un rôle très important. Lâchés sur le terrain abandonné par l’ennemi et miné pendant leur repli afin que nos troupes sautent sur leur passage, ces quadrupèdes, devenus chercheurs de truffes criminelles, déclenchent les dispositifs et sautent avec ; laissant la route libre et sûre aux soldats qui les suivront, à la grande déception de l’ennemi qui voit tous ses efforts détruits par de vulgaires animaux sans causer la moindre brèche dans nos troupes. »   Ils ne s’attendaient certainement pas à une idée si géniale. Changeons de sujet et reprenons notre emploi du temps durant ces quelques derniers jours. Toujours exercices journaliers très assimilables. Durant la semaine, un petit exercice de nuit et un tir au mousqueton. Le champ de tir, assez éloigné, se trouve à environ six kilomètres de Danne-et-Quatre-Vents, en passant par Phalsbourg et obliquant aussitôt à droite. Il est situé au sein d’une vaste forêt de hêtres et sapins. Mardi matin, le cinquième bataillon d’ouvriers d’Orléans a traversé le village, en direction de Phalsbourg. Nous avons aux alentours le 123e R.I., le 11e R.I., le 214e R.A. et le 14e R.A. Passent aussi des hommes du 28e Génie, du 6e Génie et des aviateurs qui sont dans un camp proche en direction de Phalsbourg. Passent parfois quelques véhicules automobiles modèle 14 -18.]

 

Samedi 30 septembre 1939 lettre                                                      14

(à 2 heures 30 du matin)

Reçue le 04/10, réponse le 04/10

 

Chère sœur et cher beau-frère,

J’ai reçu hier après-midi votre lettre partie de Tarbes le 21 dans laquelle vous me dites que, depuis la carte de Bordeaux, vous êtes sans nouvelles. Dans sa lettre d’aujourd’hui, Hélène me dit la même chose.

Tous les copains dans leurs lettres qu’ils reçoivent lisent ces quelques mots : « Que fais-tu pour ne point m’écrire ?» : ils le font pourtant, tout comme moi, mais songez que les lettres mettent huit jours pour faire le parcours simple, ajoutez-y trois jours de voyage, ainsi partis de Bayonne le 15, vous ne pouviez guère recevoir une lettre d’ici avant le 25. Je crois ne pas me tromper de beaucoup. Et pourtant, plus vite, je ne pouvais faire. C’est avec grand plaisir que j’ai appris que vous aviez été à Cadéac. Cela a dû faire bien plaisir à maman, car elle devait se sentir bien seule et devait peut-être se faire bien des idées. Je lui ai écrit quelques fois et vais par la même occasion lui envoyer une carte. Mon tour de planton au téléphone est revenu, c’est ce qui explique une correspondance si matinale. J’ai relevé à 1 heure mon copain le Lourdais. Nous nous partageons la nuit : il a pris de 19 heures à 1 heure et moi de 1 heure à 7 heures. Ensuite, il reprendra jusqu’à 9 heures et je terminerai nos 24 heures à 11 heures. Ensuite, nous serons relevés par deux d’un autre atelier téléphonique et notre tour reviendra dans 5 jours. Ci-joint une photo prise au cours d’un court arrêt en gare de Dax. Je m’y suis glissé un peu en vitesse.[4] Ici tout va bien, durant la semaine écoulée, nous avons fait une manœuvre de nuit, sommes allés au tir, et chaque jour faisons de petits exercices. Dans l’espoir que la présente aille vous trouver en bonne santé et qu’elle ne soit pas la première venant d’ici, je vous embrasse. Votre frère et beau-frère. Léon

 

Samedi 30 septembre 1939                                                              15

(à 3 heures du matin)

 

Chère maman,

Ne t’étonne pas si je t’écris à cette heure si matinale, je suis planton téléphoniste de service, d’une heure à sept heures. Ayant dormi jusqu’à ce moment, j’en profite maintenant que je suis tranquille pour écrire. J’ai reçu, hier, une lettre de Louis et Léonie me disant qu’ils avaient été te voir. Cela m’a fait plaisir, car j’étais sans nouvelles de toi depuis mon départ. Chère maman, ne t’en fais pas et surtout soigne-toi bien.  Quant à moi, je suis toujours en très bonne santé. Le travail que nous faisons ne nous fatigue pas de trop. Ici, les paysans finissent de rentrer le regain et ramassent les pommes de terre. Si durant notre exercice nous nous trouvons à proximité, nous leur donnons la main. Cela leur fait plaisir et ils sont gentils pour nous. La température est fraîche et durant toute la journée un vent froid souffle. Il en résulte que la peau de notre visage s’écaille. C’est une habitude à prendre, comme tant d’autres.

Maman, si tu as l’occasion, tu donneras le bonjour à la famille Soulé[5] ainsi que chez M. Estrade. Je quitte la plume en t’embrassant bien fort. Ton fils. Léon

 



[1] « Chronique du 20ème siècle », op. cit., p. 545.

[2] Soldat Noguéro Léon, Compagnie de Commandement du 49e RI – Secteur Postal 30.

[3] Hélène Dilhan, résidente de Souyeaux, amie de Léon.

[4] Cliché photo, page 25.

[5] La famille Soulé s’est toujours montrée bienveillante envers notre famille, car elle avait eu pour métayer Santiago Noguéro, le père de Léon, durant de nombreuses années.


Présentation

Soldat en Alsace-Lorraine (1939-1940)

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