
Léon Noguéro à Mme et Mr Louis Durrieu,
63 rue Alsace-Lorraine, Tarbes,
65 Hautes-Pyrénées
Dax,
mardi 2 h. Rejoignons Bayonne par Dax. Partons à 4 h.10, tout va bien. Bons
baisers. Léon
Mercredi
6 septembre 1939 carte
postale 02
Chère
sœur et cher beau-frère,
Après
avoir passé la première nuit à l’hôtel en compagnie d’un jeune copain, avec qui
je suis en ce moment, nous avons rejoint l’ex-collège de jeunes filles où nous
cantonnons dans les pièces sur la paille. Tout va bien. Je vais porter la
valise. Suis à l’État-Major du 49e d’infanterie. Ne sais pour
combien sommes là. Depuis ce matin, nous faisons la sieste. Tout va bien. Léon
Jeudi
7 septembre 1939
carte postale 03
Chère
sœur et cher beau-frère,
Un
bonjour de Biarritz où je suis en promenade avec mon copain. Étant assez
libres, nous nous sommes permis d’aller respirer un peu. Tout va bien. J’attends de vos nouvelles à l’adresse
indiquée hier. Bons baisers. Léon
Samedi 9 septembre 1939 :
Les Allemands sont devant Varsovie.[1]
Tarbes, lundi 11 septembre 1939 03-1
Carte de Léonie Noguéro, épouse Durrieu, expédiée
à sa mère, Ramona, domiciliée à
Cadéac (Vallée d’Aure – Hautes-Pyrénées)
Bien chère maman,
Deux mots pour vous dire que nous avons eu de bonnes nouvelles de
Léon qui est à Bayonne depuis 8 jours.
Sitôt que
les trains seront rétablis, nous irons vous voir. Ne vous en faites pas, si
vous avez besoin de quelque chose faites-nous faire deux mots de suite. La
correspondance marche au ralenti. Louis fait toujours la nuit à la gare. Nous
sommes en bonne santé et vous en souhaitons de même. Un de ces jours, je pense
aller voir Léon avec une voisine et prendre sa mallette.
Recevez nos bons baisers. À bientôt de vous voir.
Louis et Léonie
Jeudi 14 septembre 1939 carte
postale 04
Chère
sœur et cher beau-frère, deux simples mots pour vous dire que tout va bien. La
santé est bonne. Tout va bien. Léon
Ma
nouvelle adresse : 1re Classe Léon Noguéro
49e Régiment d’Infanterie -
Compagnie de Commandement Secteur Postal 30
CARNET
Jeudi 14
septembre 1939
[Au rapport, notre commandant de
compagnie, le capitaine Pambrun, curé de Salies-de-Béarn, commence à nous
donner notre future adresse : Secteur postal 30. Tout cela est bien vague
et c’est vainement que nous fatiguons nos méninges pour savoir dans quelle
direction ce secteur sera. Ensuite, c’est l’ordre de départ pour notre section
qui est la troisième. Réveil : trois heures ; rassemblement à quatre
heures trente ; embarquement et départ de la gare maritime à huit heures
trente. Là, nous apprenons que nous sommes dirigés sur Bordeaux puis Juvisy,
gare de triage de la banlieue parisienne. Nous prenons place dans un des
confortables wagons : chevaux 8, hommes 40.
Hélas, nous étions déjà en
surnombre de quelques hommes. Une botte de paille à étaler et nous voilà assis
chacun devant son matériel sur le pourtour du wagon. Quelques-uns, amateurs de
paysages, et je comptais pour un prenant place à l’ouverture les jambes
ballantes en dehors, accoudés sur une planche transversale qui nous servait de
garde-fou. Notre voyage fut plus long que nous l’aurions cru. Tout d’abord, les
Landes et leur immense tapis vert de pins. Le train marche pourtant vite, mais
il nous semble qu’il fait du sur place vu que le paysage n’est guère varié. Nous
traversons cependant des étendues complètement nues, les forêts ayant été
dévastées par de violents incendies voici à peine quelques années. Nous
traversons Dax, Morcenx et nous arrivons à Bordeaux où quelques minutes seulement
nous sont accordées.]
Vendredi
15 septembre 1939
carte postale 05
Un
bonjour de Morcenx où nous passons. Tout va bien. Bons baisers. Léon
CARNET
[Chacun écrit quelques cartes, fait
provision de carburant (vin) et, soudain, le clairon retentit. Nous bondissons
au passage souterrain et les retardataires arrivent encore alors que le train
démarre lentement.
Nous traversons les quais bordelais
où sont amarrées bon nombre d’embarcations. Nous apercevons des unités navales
en construction et plus loin, à quai, le Massalia, des grues, des ponts
roulants.]
Réponse le 21/09
Chère
sœur et cher beau-frère,
Je
vous ai envoyé un mot de Morcenx, mais tellement précipitamment que j’ai omis
de mettre FM et mon adresse. Sommes pour un court arrêt à Bordeaux. Tout va
bien. Bons baisers. Votre frère et beau-frère. Léon
CARNET
[Ensuite, des vignes, toujours
des vignes et piqués, par-ci par-là, des panneaux portant l’origine, le cru de
la propriété.
Voici Libourne où la Croix-Rouge
et les scouts nous ravitaillent gracieusement en café chaud, en pêches. Les
scouts s’occupent plus particulièrement de recueillir la correspondance tout le
long du convoi et d’offrir des cigarettes, mais, pas à titre gracieux. Nous
continuons notre route sur Périgueux où les paysans nous apportent de pleins
paniers de pêches. Après quelques minutes d’arrêt, nous repartons pour arriver
dans la nuit à Limoges. Là, est venu trouver la mort un civil, venu au passage
du train militaire dans l’espoir d’y trouver quelques Pyrénéens. Il avait eu
cette satisfaction et était perché sur le marchepied lorsque sur une brusque et
inattendue manœuvre de la motrice, il perdit l’équilibre et le wagon le coupa
en deux. Notre arrêt fut légèrement prolongé pour permettre l’enquête d’usage
et nous repartions sur Vierzon, Orléans. Sur notre passage, nous apercevons sa
cathédrale, ensuite la plaine de la Beauce où d’immenses hangars regorgent de
paille. Dans chaque petite ville, des silos renferment le blé. Nous approchons
de Paris que nous évitons pour passer par la banlieue. De grosses cheminées
percent au loin, semblables à celles d’un gros navire. Plus à droite, et qui
pointe par-dessus les coteaux, le sommet de la Tour Eiffel. Continuant toujours
notre route, nous arrivons à Juvisy. Mais hélas, là n’était pas le but de notre
voyage. Après un court arrêt, nous repartons. Dès ce moment, nous avions
compris. Cela ne nous empêchait pas de chanter « Bet ceü de Paü » et « les
Montagnards » - dans toutes les agglomérations qui se trouvaient sur
notre passage – nous rendions des bonjours à tous ceux qui nous en envoyaient
et encouragions toutes les femmes qui avaient des larmes aux yeux : « Nous repassons dans quelques
semaines » leur disions-nous. Glissant toujours sur les rubans
d’acier, nous continuons notre beau voyage en passant par Meaux,
Château-Thierry, Épernay, Reims, Châlons-sur-Marne, traversant ainsi la
Champagne pouilleuse. Nous arrivons à Vitry-le-François, Bar-le-Duc,
Neufchâteau, Épinal (dans les Vosges, dit-on), ensuite Lunéville et enfin
Saverne, but momentané de notre voyage.
Avec les kilomètres, le temps
avait passé et nous atteignions cette dernière station le samedi soir, 16
septembre, à sept heures et demie. Sitôt débarqués, sac au dos et nous prenons
une route qui monte, qui monte toujours et après avoir parcouru sept
kilomètres, nous arrivons à Danne-et-Quatre-Vents où nous devions nous
installer. Il était dix heures du soir, nous étions en Alsace, dans la Moselle.
Nous cantonnons chez l’habitant. Toutes les granges sont réquisitionnées,
cependant que les attelages agricoles sont mis dehors camouflés et dispersés
sous des arbres. Hier, la compagnie a travaillé à creuser des abris en cas
d’alerte d’avions.
Mon copain et moi sommes
téléphonistes de garde au P.C. du régiment le 19 septembre 1939.]
Lundi
18 septembre 1939
carte F.M. 07
Reçue le 16/10
Chère
maman,
De
ton fils, les meilleurs baisers. La santé est bonne. Tout va bien. J'ai vu
André Artigue. Nous sommes pour ainsi dire ensemble. Léon
Lundi
18 septembre 1939
carte postale 08
Réponse le 25/09
Chère
sœur et cher beau-frère,
Suis
arrivé au but de notre voyage. Tout va bien. Ici, la température est un peu
fraîche et te prierai de m’envoyer un pull et un petit cache-nez. Tu pourras y
joindre quelques boîtes de sardines. Car ici, pas moyen d’en trouver. Bons
baisers et à bientôt de vous lire. Léon
Vendredi
22 septembre 1939 lettre 09
Reçue le 27/09,
réponse le 27/09 (lettre) + carte le 29/09
Bien
chère sœur et cher beau-frère,
Ce
soir, au rapport, on vient de nous annoncer que toutes les lettres expédiées
par nous et portant notre adresse au dos de l’enveloppe étaient arrêtées.
Toutes
celles que j’ai envoyées jusqu’à ce jour étaient ainsi. C’est pourquoi, dans le
cas où elles ne vous seraient point parvenues, je m’empresse de vous écrire la
présente. Je vous ai également envoyé quelques cartes durant notre voyage ainsi
qu’une vue du village où nous sommes, mais je doute qu’elles vous soient
parvenues car on nous a également interdit d’envoyer des cartes. Hier, je vous
ai envoyé dans une carte lettre un certificat de présence au corps pouvant
faciliter à maman l’obtention d’une allocation. Si vous ne l’avez reçu, faites
me le savoir afin que je m’en fasse faire un autre.
Chère
sœur, dans ma précédente lettre, je te demandais de m’envoyer un pull, un cache-nez,
une paire de chaussettes, la pipe, un briquet à mèches avec un tube de pierre et
quelques boîtes de sardines. J’ai reçu, seulement aujourd’hui, la lettre que tu
m’avais envoyée à Bayonne. Tout va bien, j'attends de vos nouvelles. Bons
baisers à vous deux. Léon[2]
Vendredi
22 septembre 1939 carte-lettre
F.M. 10
Reçue le 26/09, réponse
le 30/09
Chère
sœur et cher beau-frère,
Voilà
quelques jours, je vous ai envoyé quelques cartes, mais je doute fort qu’avec
toutes ces censures elles vous soient parvenues. C’est pourquoi je m’empresse
de vous faire parvenir la présente. Tout va bien, la santé va toujours bien,
tout est calme, la nourriture est bonne. Cependant, je dois dire que la région
est un peu fraîche. C’est pourquoi, dans la précédente lettre, je t’ai demandé
un pull et diverses petites choses. De crainte que la lettre n’arrive, j’ai
prié Hélène[3]
de te renouveler la petite liste. Sur trois, une arrivera bien sans doute. Je
vous quitte pour ce soir en vous embrassant bien fort. Votre frère et
beau-frère qui pense à vous. Léon
Ci-joint
un certificat de présence au corps qui peut faciliter à obtenir une allocation.
Peu de formalités à remplir, renseigne-toi puisque maman est maintenant seule.
Je crois bien qu’elle aura satisfaction.
Vendredi
22 septembre 1939 carte-lettre
F.M. 11
Chère
maman,
Je
t’envoie deux mots pour te dire que je suis toujours en parfaite santé. Je t’ai
écrit à plusieurs reprises des cartes postales, mais je crains qu’avec toutes
ces censures tu n’en aies pas rempagnçues de quelques jours. C’est pourquoi,
afin de te tranquilliser, je m’empresse de t’envoyer ces quelques. Enfin,
rassure-toi, tout va bien, nous sommes très bien, et bien nourris. Dans la
région, il fait seulement un peu frais. J’ai également écrit à Léonie. Chère
maman, je quitte la plume pour aujourd’hui en t’embrassant bien fort. Ton fils. Léon
CARNET
Lundi 25
septembre 1939
[Huit jours ont passé, depuis
notre arrivée à Danne-et-Quatre-Vents. À nouveau et pour la deuxième fois, nous
voilà tous deux plantons téléphonistes, mais cette fois au central. Oui, huit
jours ont passé durant lesquels nous avons fait de petits exercices de
téléphonie – tout comme pendant l’active – moins importants même. Nous sommes
là. Nous attendons sans rien savoir. Durant la semaine écoulée, un régiment
d’artillerie lourde est passé, venant de la direction de Phalsbourg et allant
sur Saverne. Pendant quelques jours, le trafic des voitures de santé était
intense. Les blessés, parait-il, n’étaient pas gravement atteints. En dehors de
ça, tout est calme. De temps à autre, le canon lointain tonne et quelques
avions-amis, j’ose le croire, nous survolent. La température est fraîche,
surtout la nuit. Je m’arrête pour aujourd’hui et, les jambes roulées dans la
couverture, assis, je vais tâcher de dormir un peu, mais si possible, sans
ronfler comme le font nos deux camarades secrétaire et téléphoniste du bureau
que j’occupe et appartenant au canton routier n°1.]
Lundi
25 septembre 1939 carte-lettre
F.M. 12
(à 1 heure du matin)
Reçue le 29/09,
réponse le 30/09
Chère
sœur et cher beau-frère,
Je
viens de prendre mon poste de planton téléphoniste que je dois garder pendant 6
heures consécutives. J’en profite donc, la nuit passera plus vite, pour vous
écrire.
J’ai
reçu hier votre deuxième lettre du 15 courant, dirigée sur Bayonne. C’est
depuis ce jour que nous avons quitté cette dernière ville. Depuis, je vous ai
envoyé bon nombre de cartes ou lettres. J’espère
que malgré les incidents qui les immobilisent sur leurs parcours, vous les
aurez toutes reçues.
Pour
le moment, tout va bien. Nous faisons quelques petits exercices, comme pendant
l’active. Nous creusons des tranchées, nous cantonnons chez l’habitant. Hier
dimanche, nous avions repos. Nous sommes allés à la messe, dite en l’église du
village par notre capitaine. Tout l’état-major était présent et la petite
église était comble. Le temps est au beau, mais un peu frais. J’écris également
à maman et aussi à Hélène. J’espère que tu auras reçu la lettre contenant le
certificat de présence au corps ainsi que celle qui lui fait suite.
Bons
baisers. Votre frère et beau-frère. Léon
Lundi
25 septembre 1939
carte-lettre F.M.
13
à 2 heures
du matin
Chère
maman,
Me voilà de service comme planton téléphoniste
jusqu’au matin 7 heures. J’en profite pour faire ma correspondance. Pour le
moment, tout va bien. Nous sommes à plusieurs dizaines de kilomètres du front.
Nous nous occupons à faire des exercices comme pendant l’active et à nous
creuser des tranchées en cas d’attaque éventuelle de l’aviation.
Nous
cantonnons dans un petit village ; chez l’habitant. La santé est bonne, la
température un peu fraîche. Je viens de recevoir des nouvelles de Louis et
Léonie.
Je
te quitte de plume pour aujourd’hui dans l’espoir que la présente ira te
trouver en parfaite santé. Pour m’écrire, pas de timbres, simplement FM sur
l’enveloppe. Baisers. Ton fils. Léon
CARNET
Vendredi
30 septembre 1939
[Je suis à nouveau à mon poste de planton
téléphoniste au P.C. du régiment. Il est trois heures et demie du matin, les
deux secrétaires couchent ici, au bureau, sur la paille à demi habillés, roulés
dans leur couverture et capote. Leur sommeil ma parait assez profond, il est
parfois entrecoupé par quelques soupirs ou quelqu’une de ces respirations un
peu trop bruyantes qui rappellent le sommeil de nos producteurs de saucisson et
jambon. Cela me fait songer à un petit article relevé sur Paris-Soir
d’hier : « Les Français nous
jouent des tours de cochon pourraient dire les Allemands, car, parait-il, en
France, en ce moment, on fait grande consommation de cochons, mais rares sont
les saucissons et jambons que l’on pend au plafond. Ces quadrupèdes ont en ce
moment un rôle très important. Lâchés sur le terrain abandonné par l’ennemi et
miné pendant leur repli afin que nos troupes sautent sur leur passage, ces
quadrupèdes, devenus chercheurs de truffes criminelles, déclenchent les
dispositifs et sautent avec ; laissant la route libre et sûre aux soldats
qui les suivront, à la grande déception de l’ennemi qui voit tous ses efforts
détruits par de vulgaires animaux sans causer la moindre brèche dans nos
troupes. » Ils ne
s’attendaient certainement pas à une idée si géniale. Changeons de sujet et
reprenons notre emploi du temps durant ces quelques derniers jours. Toujours
exercices journaliers très assimilables. Durant la semaine, un petit exercice
de nuit et un tir au mousqueton. Le champ de tir, assez éloigné, se trouve à
environ six kilomètres de Danne-et-Quatre-Vents, en passant par Phalsbourg et
obliquant aussitôt à droite. Il est situé au sein d’une vaste forêt de hêtres
et sapins. Mardi matin, le cinquième bataillon d’ouvriers d’Orléans a traversé
le village, en direction de Phalsbourg. Nous avons aux alentours le 123e
R.I., le 11e R.I., le 214e R.A. et le 14e R.A.
Passent aussi des hommes du 28e Génie, du 6e Génie et des
aviateurs qui sont dans un camp proche en direction de Phalsbourg. Passent
parfois quelques véhicules automobiles modèle 14 -18.]
Samedi
30 septembre 1939 lettre 14
(à 2 heures 30 du matin)
Reçue le 04/10,
réponse le 04/10
Chère
sœur et cher beau-frère,
J’ai
reçu hier après-midi votre lettre partie de Tarbes le 21 dans laquelle vous me
dites que, depuis la carte de Bordeaux, vous êtes sans nouvelles. Dans sa
lettre d’aujourd’hui, Hélène me dit la même chose.
Tous
les copains dans leurs lettres qu’ils reçoivent lisent ces quelques mots :
« Que fais-tu pour ne point
m’écrire ?» : ils le font pourtant, tout comme moi, mais songez
que les lettres mettent huit jours pour faire le parcours simple, ajoutez-y
trois jours de voyage, ainsi partis de Bayonne le 15, vous ne pouviez guère
recevoir une lettre d’ici avant le 25. Je crois ne pas me tromper de beaucoup.
Et pourtant, plus vite, je ne pouvais faire. C’est avec grand plaisir que j’ai
appris que vous aviez été à Cadéac. Cela a dû faire bien plaisir à maman, car
elle devait se sentir bien seule et devait peut-être se faire bien des idées.
Je lui ai écrit quelques fois et vais par la même occasion lui envoyer une
carte. Mon tour de planton au téléphone est revenu, c’est ce qui explique une
correspondance si matinale. J’ai relevé à 1 heure mon copain le Lourdais. Nous
nous partageons la nuit : il a pris de 19 heures à 1 heure et moi de 1
heure à 7 heures. Ensuite, il reprendra jusqu’à 9 heures et je terminerai nos
24 heures à 11 heures. Ensuite, nous serons relevés par deux d’un autre atelier
téléphonique et notre tour reviendra dans 5 jours. Ci-joint une photo prise au
cours d’un court arrêt en gare de Dax. Je m’y suis glissé un peu en vitesse.[4]
Ici tout va bien, durant la semaine écoulée, nous avons fait une manœuvre de
nuit, sommes allés au tir, et chaque jour faisons de petits exercices. Dans
l’espoir que la présente aille vous trouver en bonne santé et qu’elle ne soit
pas la première venant d’ici, je vous embrasse. Votre frère et beau-frère. Léon
(à 3 heures du matin)
Chère
maman,
Ne
t’étonne pas si je t’écris à cette heure si matinale, je suis planton
téléphoniste de service, d’une heure à sept heures. Ayant dormi jusqu’à ce
moment, j’en profite maintenant que je suis tranquille pour écrire. J’ai reçu,
hier, une lettre de Louis et Léonie me disant qu’ils avaient été te voir. Cela
m’a fait plaisir, car j’étais sans nouvelles de toi depuis mon départ. Chère
maman, ne t’en fais pas et surtout soigne-toi bien. Quant à moi, je suis toujours en très bonne
santé. Le travail que nous faisons ne nous fatigue pas de trop. Ici, les
paysans finissent de rentrer le regain et ramassent les pommes de terre. Si
durant notre exercice nous nous trouvons à proximité, nous leur donnons la
main. Cela leur fait plaisir et ils sont gentils pour nous. La température est
fraîche et durant toute la journée un vent froid souffle. Il en résulte que la
peau de notre visage s’écaille. C’est une habitude à prendre, comme tant
d’autres.
Maman,
si tu as l’occasion, tu donneras le bonjour à la famille Soulé[5] ainsi
que chez M. Estrade. Je quitte la plume en t’embrassant bien fort. Ton fils. Léon
[1] « Chronique du 20ème
siècle », op. cit., p. 545.
[2] Soldat Noguéro
Léon, Compagnie de Commandement du 49e RI – Secteur Postal 30.
[3] Hélène Dilhan,
résidente de Souyeaux, amie de Léon.
[4] Cliché photo, page
25.
[5] La famille Soulé
s’est toujours montrée bienveillante envers notre famille, car elle avait eu
pour métayer Santiago Noguéro, le père de Léon, durant de nombreuses années.