Biographie
Léon NOGUÉRO
Portrait à l’huile effectué en captivité
par son ami J. Roquelaure, 1942.
Léon, Joseph
NOGUÉRO est né le 16 août 1913
à Cadéac-les-Bains (Hautes-Pyrénées)
et y décède le 28 août 2004 dans son domicile,
âgé de 91
ans.
Léon Noguéro naît le 16 août 1913 à
Cadéac-les-Bains (Hautes-Pyrénées). Un frère aîné Raymond (Joseph) et une sœur
Léonie l’avaient précédé. Pendant la Première Guerre mondiale, Raymond-Joseph[1] meurt
« Pour la France » à l’âge
de 20 ans, le 20 mai 1916 dans le bois d’Avocourt (Meuse). Son père, Santiago Noguéro
Escalona, décède le 28 février 1938 à Cadéac-les-Bains et laisse pour veuve
Ramona Bielsa Bernad déjà affligée par la perte de son fils aîné Raymond lors
de la Première Guerre mondiale. Pendant toute son activité professionnelle
d’avant-guerre et durant toute sa captivité, la préoccupation de Léon Noguéro pour
aider matériellement sa mère n’aura point de cesse.
Raymond-Joseph Noguéro, 1er assis à gauche,
soldat au 88e RI de Mirande (32)
Enfance et
adolescence
Issu d’un milieu modeste de parents espagnols
frontaliers (vallées de Bielsa et de Gistain situées dans le Haut-Aragon), Léon
Noguéro est scolarisé à l’école communale de Cadéac-les-Bains et obtient en
1927 son Certificat d’Études Primaires. Ancien combattant de 1914-1918, Raymond
Compagnet[2],
ancien maire de Bagnères-de-Bigorre et originaire de Génos (vallée du Louron)
fera l’éloge de son élève en ces termes : « Je vous prie de m’excuser de quitter Cadéac sans vous serrer la
main. Je vous remercie sincèrement d’avoir bien secondé mes efforts de maître
et d’avoir, en toute circonstance, usé de votre autorité pour assurer le
respect dû à l’instituteur. Acceptez mes cordiales civilités. » De
nationalité espagnole, Léon Noguéro ne pourra pas obtenir de bourse pour
continuer ses études.[3] Durant trois années, il
effectuera les saisons (été ou hiver) dans l’hôtellerie en qualité de groom ou
de chasseur (Hôtel des Ambassadeurs à Lourdes - Hôtel du Vignemale à Gavarnie -
Grand Hôtel du Palais à Pau)[4] avant d’entrer en
apprentissage dans le bâtiment auprès des Établissements Chalmandrier à Tarbes[5] et de suivre les cours
professionnels obligatoires de la ville afin d’obtenir son Certificat
d’Aptitudes Professionnelles de monteur électricien du bâtiment.
Léon groom au Grand Hôtel du Palais
à Pau
1933-1935[6]
: Service militaire
Léon Noguéro est appelé sous les drapeaux
dès le 16 et incorporé le 21 octobre 1934 au 126e Régiment
d’Infanterie[7] de Brive-la-Gaillarde. Il
est renvoyé dans ses foyers[8] le 15 octobre 1935 et nommé
soldat de 1re classe dans la Réserve.
1939 : Dans le cadre de la mobilisation générale, il
est « appelé à l'activité »
en vertu du décret du 1er septembre 1939. Il rejoint le 5 septembre à Bayonne le
49e R.I.[9] où il est
incorporé en qualité de téléphoniste au P.C.[10] du régiment.
Mobilisation générale et engagements
Dès les premiers jours de septembre 1939, le 49e
R.I. fait mouvement pour l'Est de la France, à proximité de la ligne Maginot[11] et
de la frontière allemande. En fonction des ordres de mouvements reçus, son
groupe de téléphonistes est très mobile et intervient en faisant souvent des
allers et retours dans les secteurs frontaliers de Rohrbach (Siersthal, Epping,
Ormersviller, Weiskirch, Volmunster-Eschviller, ...) et de Wissembourg (Rott,
Cleebourg, Climbach, Lobsann, ...). À la suite de l’offensive allemande du 10 mai
1940, sa compagnie se replie vers le sud de Saint-Dié dans les Vosges et dépose
les armes, totalement encerclée par les troupes allemandes, au hameau de Les
Feignes, à Saint-Michel sur Meurthe, le 22 juin 1940.
1940-1945 : Prisonnier de guerre
À compter du 22
juin 1940, Léon Noguéro est fait prisonnier
de guerre en compagnie de nombreux éléments de son unité. Il rejoint la
ville de Strasbourg en quatre étapes, passant par Sainte-Marie aux Mines,
Sélestat, le camp d’Ébersheim, Benfeld, le camp d’Erstein. À son arrivée à
Strasbourg, il est gardé et parqué durant près d’un mois dans la caserne[12] du
309e d’Artillerie avant d’être transféré en Allemagne et interné le 27
juillet 1940 au Stalag V A[13] de Ludwisgburg (région du Bade-Wurtemberg). Il y est enregistré sous le matricule 19667. Durant toute sa
captivité, il est rattaché à un détachement de travail du bâtiment : le
« Kommando B.A.B. 45 (2e
Kompanie)[14] »
stationné dans un premier temps à Urlau pour y effectuer durant tout l’hiver
1940 de pénibles travaux de terrassement et participer à la construction
d’abris à munitions avant d’être affecté à différentes missions civiles successivement
exécutées dans les villes de Hamm, Münster, Osnabrück, Bremen, Hannover,
Magdeburg pour le compte d’entreprises du bâtiment et principalement dans
l’exercice de son métier d’électricien.
Léon, 3e assis avec ses camarades prisonniers
au camp d’Urlau – juillet 1941
Libération,
rapatriement et démobilisation
Léon Noguéro
est libéré le 2 mai 1945 dans le petit hameau de Helm situé à 40 kilomètres au
sud de Schwerin et à 50 kilomètres à l’ouest de Ludwigslust par un contingent de
la 8e Division d’Infanterie américaine.[15] Il
sera rapatrié en France le 18 mai 1945 et enfin démobilisé le 31 juillet 1945 à
Tarbes.
État de santé : Après examen
médical, son état de santé est qualifié de moyen avec un amaigrissement global
de 5 kilos (pour un poids de 60 kilos et une taille de 1 m 65) assorti des
précisions suivantes « hyperchlorémie
gastrique – dyspepsie » dont il conservera des séquelles pour le
restant de ses jours.
Retour à la
vie civile : Dès le mois de septembre 1945, Léon Noguéro se retire
à Tarbes où il reprend du service auprès des Établissements Chalmandrier, bien
qu’il fût inscrit sur les listes d’embauchage de l’Atelier de construction[16] de Tarbes depuis 1935.
C’est à l’occasion d’une intervention dans le foyer du Docteur Aron Corman,
médecin cardiologue (au 11 rue de Gonnès), qu’il fait la connaissance de sa
future épouse, Paulette Fourcade[17], qui demeure au service de
la famille Corman comme employée de maison. Ils se marient le 7 octobre 1946 à
Tarbes avant de regagner le domicile conjugal fixé à Cadéac-les-Bains. Léon y
exerce son métier d’électricien en entreprise individuelle[18]
jusqu’à la cessation de son activité en 1980. Il y est élu conseiller municipal
d’octobre 1947 à mai 1953[19],
adjoint au maire de mai 1953 à mars 1959, conseiller municipal de mars 1959 à
juillet 1968, adjoint au maire de juillet 1968 à mars 1983[20].
[1] Commis épicier
résidant à Tarbes, son nom figure sur l’une des colonnes des « Morts pour la France » de la ville
de Tarbes située à l’intérieur de la Mairie (sous le grand escalier). Matricule
n° 1440 au recrutement, 6622 au Corps (classe 1915), soldat 2e cl à
la 4e Cie du 88e Régiment d’Infanterie, stationné à
Mirande dans le département du Gers (Croix de guerre 14-18 avec étoile
d’argent, Médaille militaire, Médaille de Verdun).
[2] Raymond Compagnet, né le 10/10/1896 à
Génos (vallée du Louron), maire de Bagnères-de-Bigorre du 02/12/1958 au
26/03/1965. Lors de la Seconde Guerre mondiale, cet ancien combattant de 14-18
est entré dans la résistance locale, aux côtés de Joseph Meynier. Avec le groupe
Bernard, il a participé activement à de nombreuses opérations, notamment au
combat du 11 juin 1944, avant de rejoindre le maquis de Lesponne. Ancien
directeur de l’école Jules Ferry.
[3] « J’ai dû non m’expatrier comme mes parents,
mais partir au travail ». Léon Noguéro
[4] « Oh, ce n’était pas désagréable.
C’était assez rigide, il fallait avoir toujours une tenue impeccable, aller au-devant
des clients. Être toujours disponible, là était aussi notre intérêt. Ce métier
était très enrichissant, on y côtoie des clients de tout genre :
industriels, personnalités étrangères, écrivains, troupes théâtrales, monde
sportif, amateurs de courses d’autos, de chevaux, de chiens, etc. J’aurais pu
continuer dans cette branche ». Léon Noguéro
[5] En qualité
d’installateur électricien du 15 mars 1929 au 4 septembre 1939 et du 3 septembre
1945 au 29 mai 1946. « Me voilà donc dans le bâtiment
effectuant des installations électriques – métier intéressant, pas trop
salissant et ne nécessitant pas d’efforts excessifs, ce qui convenait très bien
à ma faible corpulence. C’est là que j’ai été cueilli d’abord pour mon service
militaire et juste quelques années après pour la drôle de guerre ».
[6] Classe de
recrutement : 1933 ; classe de mobilisation : 1934.
[7]
Léon Noguéro
était considéré par ses camarades de troupe comme « ordonnance appliquée et briqueur soigné, vaguemestre de la
piaule, est pour cela apprécié ». Faire part du Père Cent.
[8] Invité à
souscrire, avant sa libération, un contrat de rengagement d’une durée minimum
de six mois pour tenir au Corps ou dans un Corps de la Région un emploi
militaire d’électricien, Léon Noguéro refuse l’emploi qui lui est offert.
[9] R.I. :
Régiment d’infanterie. Le 49e R.I. appartenait à la 35e
Division d’Infanterie.
[10] Abréviation de
poste de commandement.
[11] Maginot : « La
ligne Maginot, du nom du ministre de la Guerre André Maginot, est une ligne de
fortifications construite par la France le long de ses frontières avec la
Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie de 1928 à
1940. »
Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligne_Maginot
[12] Vraisemblablement,
la caserne Lecourbe.
[13] Le Stalag V-A
était localisé à Ludwigsburg, dans le Vème district militaire, à proximité de
Stuttgart. On notera l’existence d’une « Amicale nationale des anciens
prisonniers de guerre des stalags V A – V C » ayant eu son siège au 46,
rue de Londres dans le 8ième à Paris avec comme bulletin :
« Le lien ». En 2001, il est transféré au 1, rue de Brissac dans le 4ième
arrondissement.
[14] (Bau Arbeits
Bataillon : Élément de travailleurs mobiles). Au 15 février 1945, le nombre de
ces travailleurs dit « volants » est estimé à 25.763 hommes
(source : « Le Monde
Illustré », numéro 4302 du 7 avril 1945, p.3).
[15] « La 8e
DI américaine, sous le contrôle opérationnel de la Deuxième Armée britannique,
a traversé l'Elbe, le 1er mai et a libéré Schwerin à la fin de la guerre en
Europe.
Le 2 mai 1945,
comme elle avançait vers le Nord de l'Allemagne, la 8e DI a
rencontré le camp de concentration Neuengamme, le camp d'extermination de
Wöbbelin, près de la ville de Ludwigslust. Les SS avaient établi le camp de
Wöbbelin au début de février 1945 pour loger les prisonniers des camps de
concentration Nazis qui avaient été évacués pour prévenir leur libération par
les Alliés. À Wöbbelin il y avait environ 5000 prisonniers, dont beaucoup
souffraient d'inanition et de maladies. Les conditions hygiéniques du camp
étaient déplorables, quand la 8e DI et la 82e Division Aéroportée
sont arrivées. Il n'y avait que de petites quantités d'aliments ou d'eau et
certains prisonniers avaient recouru au cannibalisme. Dans la semaine qui a
suivi la libération, plus de 200 prisonniers sont morts. Dans ces
circonstances, l'Armée américaine a ordonné aux habitants de Ludwigslust de
visiter le camp et d'enterrer les morts. La 8e Division d'Infanterie
a été reconnue comme une unité libératice par le Centre d'Histoire Militaire de
l'Armée américaine et du Musée du Mémorial Américain de l'Holocauste en 1988. »
(Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/8e_division_d%27infanterie_(%C3%89tats-Unis))
[16] ATS ou Arsenal. Établissement
de fabrication d’armement relevant du Ministère de la Défense nationale et de
la guerre.
[17] Née le 3 mars 1915
à Tarbes, pupille de l’État, fille de Marie Fourcade et de père inconnu.
[18] Inscrit sous le n°
1462B en date du 15.06.1946, à la Chambre de Métiers de Tarbes.
[19] Passé à la classe
1929 le 3 mars 1953 en qualité de père de 2 enfants.
[20] Titulaire de la
Médaille d’honneur régionale, départementale et communale, 2e
échelon, 30 années, vermeil.