Juin 1940
1er au 4 juin 1940 : « De Dunkerque, grâce à la Royal Navy, appuyée
par des unités françaises, 340 000 soldats alliés, dont 110 000
Français, parviennent à gagner l’Angleterre. » [1]
Bien
chère maman,
J’ai
reçu, avant-hier, la lettre que Léonie avait écrite se trouvant avec toi pour
semer les pommes de terre. J’espère que le temps se sera maintenu au beau pour
vous permettre de tout ensemencer en suivant. Ces jours derniers, le temps était orageux. La
nuit dernière, il a fait assez froid. J’ai très bien pu m’en rendre compte, car
j’étais de garde sur une route pour contrôler tous les véhicules qui passaient.
Depuis notre arrivée, chaque jour, nous travaillons un peu à améliorer le
confort de notre cantonnement. Nous nous faisons quelque peu de cuisine. Nous
avons une chèvre qui nous donne de trois à quatre litres de lait par jour nous
permettant de déguster, chaque matin, notre petit café au lait. Nous avons
également récolté trois poules que nous engraissons. Au jardin, nous avons
salades, radis et petits oignons. Nous repiquons des salades où la terre est
libre. Comme tu peux t’en douter, nous ne nous en faisons pas, à quoi bon. Le
secteur est assez calme, très calme même, pourrai-je dire. André Artigue, que
je n’ai pas vu depuis environ trois semaines, est à neuf kilomètres plus en
avant. Avant-hier, j’ai écrit à Jean-Marie Montaner qui, lui, fait toujours du
pain. Dans le village est installée une coopérative militaire où nous trouvons
tout ce dont nous avons besoin. De l’argent, j’en ai. Par conséquent, il ne me
faut rien. Tout va bien. Chère maman, je termine pour aujourd’hui en
t‘embrassant de tout cœur. Ton fils qui ne t’oublie pas. Meilleur souvenir à la
famille Soulé. Léon
Reçue le 06/06,
réponse le 08/06
Bien
chère sœur et cher beau-frère,
Il
est huit-heure trente, je viens de prendre mon petit-déjeuner : café au
lait (de chèvre) et pain grillé. Avant, j’ai été à la messe avec quelques
collègues. Hier après-midi, j’ai reçu votre lettre du 29 et 2 journaux. Avant-hier,
c’était la lettre de Cadéac. Je constate, avec plaisir, que le temps vous a été
favorable pour les travaux du champ. Mais,
je crois aussi que le travail terminé vous devrez être passablement
fatigués : enfin, voilà un cauchemar de dissipé, car, si vous aviez
attendu, il aurait pu se faire qu’au moment de les ramasser elles ne soient
encore ensemencées. J’exagère peut-être un peu, mais je crois que je ne suis
pas prêt à aller vous voir de ces jours-ci. Le secteur est bien calme ;
voilà deux nuits que les canons se taisent. Seuls, hier soir à l’heure de la
soupe, sept bombardiers boches – à faible altitude – ont lâché des bombes, mais
pas sur nous heureusement. J’ai aussi reçu, hier soir, une lettre d’Hélène
d’Hendaye : elle est depuis plusieurs jours sans nouvelles de Roger et, en
passant à Pau, elle a appris que son cousin (de Bordères, marié à Juillan et
sous-officier au 18e de Pau) avait été blessé sur le front et était dirigé
sur l’hôpital de Tarbes. Avant-hier, j’étais de garde, contrôle de la circulation
routière ; la nuit a été froide. Depuis, la température est plus douce, le
soleil brille. Ci-joint trois photos : dans quelques jours, j’espère en
avoir quelques-unes des miennes. Je vous les enverrai.
Je
termine pour aujourd’hui en vous embrassant de tout cœur. Léon
Bien
chère maman,
Depuis
quelques heures, nous sommes à nouveau dans un village où nous sommes passés
voilà une semaine. Nous n’y avions fait qu’un arrêt de vingt-quatre heures,
entre deux étapes. J’espère que cette fois, nous y resterons plus longtemps. Il
parait que nous avons quitté le village où nous étions jusqu’à hier, car il se
trouvait un peu trop en avant. Étant restés des derniers avec trois copains,
pour replier une ligne téléphonique, nous avons eu l’avantage de faire le
parcours en camionnette (15 km). Le chargement était incomplet, nous y avons
joint la chèvre. Ainsi, nous pourrons encore préparer notre petit café au lait.
Hier, j’ai reçu de bonnes nouvelles de Louis et Léonie. J’aurais bien voulu te
joindre une petite photo, mais elles ne sont pas encore prêtes ; ce sera
dans la prochaine que je te l’enverrai. Depuis quelques jours, le temps est au
beau. Aujourd’hui, il a fait même assez chaud. Bien chère maman, tout va bien,
il ne me manque rien. Espérant que la présente ira te trouver en parfaite
santé, je termine en t’embrassant de tout cœur. Ton fils qui ne t’oublie pas.
Le bonjour à la famille Soulé. Léon
Mercredi 5 juin 1940 : « De Gaulle sous-secrétaire d’État à la
Défense nationale et à la Guerre. » [2]
Reçue avec 4 photos le
10/06, réponse le 11
Bien
chère sœur et cher beau-frère,
Votre
lettre du 1er m’est parvenue avant-hier ainsi que trois journaux. Aujourd’hui, j’ai voulu attendre le courrier, mais
je n’ai reçu que trois Républicains
(30 – 31 – 1). Hier matin, nous avons eu le réveil à 3 heures et demie. Une
demi-heure après, les groupes partaient pour se rendre à environ 15 kilomètres
en arrière, au village où, entre les deux étapes, huit jours avant, nous avions
passé 24 heures. Moi et quelques téléphonistes, nous étions restés au village
afin de récupérer la ligne téléphonique et les appareils. Tout ça devait rester
jusqu’au moment où de nouveaux appareils soient installés dans le patelin que
nous allions occuper. Ainsi, une fois de plus, j’ai eu la veine de faire le
trajet en voiture. D’ailleurs, je
m’étais plaint du genou. C’est pourquoi j’ai bénéficié de ça. Ce matin, j’ai
été à la visite et l’adjudant toubib m’a accordé 8 jours exempt de marche. J’ai
le genou gauche légèrement enflé et parfois, le moindre mouvement est très
douloureux. Un pansement très serré a été fait ainsi qu’un badigeonnage.
J’espère toutefois que ce ne sera rien. Je marche la jambe raide, mais peu
importe ; tant que ce ne sera pas plus grave. Hier, j’ai écrit à maman et
maintenant je vais envoyer un mot à cousine de Luchon. Nous sommes bien
installés. Le temps est très beau ainsi que la nature environnante. Je n’ai
besoin de rien, ne vous en faites pas pour moi.
Je
joins à la présente quelques photos livrées à la dernière minute. Vous me direz
comment vous trouvez mon physique. Bonne mine ? Léon
CARNET
Mercredi
5 juin 1940
[C’est à partir de ce jour qu’a
commencé notre retraite.
D’abord, retour à Baerenthal et
de là, à pied, jusqu’au 20 juin date à laquelle nous nous sommes retrouvés à
les Feignes, tout près de Saint-Dié. Notre épopée se termina aux environs de
Blamont d’où la déroute vers Baccarat qui brûlait.]
Bien
chère maman,
J’ai
reçu à l’instant une lettre m’apportant des nouvelles fraîches de Cadéac ;
elle m’avait été adressée par la famille Estrade. De Léonie, je compte bien en
recevoir demain. Je lui ai écrit hier ainsi qu’à cousine de Luchon. Dans les
enveloppes, j’ai joint quelques photos et je vais également t’en joindre deux
prises la semaine dernière. Nous sommes toujours au village où nous sommes
arrivés avant-hier. Les habitants sont bien gentils.
Le
temps est au beau, nous faisons quelques petits exercices, histoire de nous
faire passer le temps et de ne point oublier les principes, les règles de
service exigées pour le bon fonctionnement de nos liaisons téléphoniques.
Ainsi, chère maman, pour le moment, tout va pour le mieux, la santé est
excellente, le moral aussi et je désire que la présente petite lettre aille te
trouver de même. Je termine pour aujourd’hui en t’embrassant de tout cœur. Ton
fils qui ne t’oublie pas. Léon
Vendredi 7 juin 1940 : « L’idée d’un « réduit
breton » proposée fin mai par Reynaud est soutenue par de Gaulle. Le 10,
Weygand donne un commencement d’exécution au projet, abandonné quelques jours
plus tard devant la rapidité de la progression allemande. » [3]
Bien
chère maman,
C’est
par une belle après-midi ensoleillée que je t’écris ces quelques lignes d’un
verger, à l’ombre d’un grand poirier. Comme nous n’avions pas d’occupation
prévue pour l’après-midi, chacun est parti de son côté. Les uns jouent aux
cartes, d’autres sont partis à la pêche, quelques-uns aussi font la sieste et
enfin, d’autres comme moi écrivent. En
ce moment, les habitants sont occupés dans les prés à faire les foins. Il se
pourrait que nous restions ici encore pendant près de trois semaines, peut-être
davantage. Je reçois toujours de bonnes nouvelles. Ma santé est excellente et
je souhaite de tout cœur que la présente aille te trouver de même. Tout va
bien, il ne me faut rien. Le bonjour à la famille Soulé. Ton fils qui pense à
toi. Léon
Lundi 10 juin 1940 : « L’Italie déclare la guerre à la
France. Le gouvernement français quitte Paris pour Tours. Franco proclame
l’Espagne en état de « non-belligérance active ».[4]
Le Roi Haakon VII quitte la Norvège pour gagner Londres. » [5]
Cachets
apposés sur l’enveloppe : « Retour à l’envoyeur » - « Le Destinataire n’a pu être atteint à l’adresse indiquée »
Bien cher Frère,
Nous avons reçu hier ta lettre (37) et tes 4
photos (votre chien n’est pas bien sage devant le photographe), mais tu n’es
bien que dans 2 et surtout où tu es seul, avec ton gracieux sourire. Ta
patronne (vieille) a su aussi le dire, qu’il ne te quittait pas, car hier j’y
ai été porter le fourneau de maman. Elles vont faire changer la terre qui a
éclaté en 2 fois, puis le bout du cordon où le bouillon a dû verser, c’était
déjà il y a un mois, mais elle n’avait pas voulu que je le prenne :
toujours « Léon le fera ». Alors, la jeune m’a dit qu’elle avait
répondu à ta dernière, avec beaucoup de détails. Maman est toujours contente
d’avoir de tes bonnes nouvelles ainsi que nous. J’ai été heureuse de lire ta
lettre qu’elle avait reçue le samedi, car nous n’avions que celle datée du
Dimanche et c’était long. Elle me disait : « Pourquoi il dit qu’il est si bien, parce qu’on le saurait par
d’autres ». Artigue n’en avait pas d’André depuis le 27 et beaucoup en
manquent depuis un mois comme, aussi, Hélène de Roger : nous avons eu sa
carte hier soir, j’y répondrai ces jours-ci. Élise avait mis deux mots, elle
écrira après. Il y fait mauvais, ici aussi, et Dimanche il pleuvait à Cadéac
aussi, vers les 3 heures et j’ai pu aider maman pour rentrer sa lessive.
Par ici, toujours pareil, mais hier, le poste,
après les informations graves, rappelait à ceux affectés de 30 et au-dessous de
rejoindre leurs dépôts les plus proches. Il ne manquait plus que le coup de
l’Italie, pour la salade complète. Ayons toujours bon espoir et gardons notre
courage. Louis te recommande, si tu ne peux marcher, de ne pas faire aggraver
ton mal au genou. On pourrait t’évacuer comme le beau-frère à Madame Cambot qui
est là depuis 3 mois et va passer quelque temps à Biarritz. De Cambot, toujours
des bonnes nouvelles. Quand tu auras besoin des sous, tu me le diras, puisqu’on
ne peut encore envoyer des colis. Nous te quittons, tous deux, en t’embrassant
bien fort. Sommes en bonne santé et t’en souhaitant de même. À bientôt de te
lire. Louis et Léonie
Mercredi 12 juin 1940 : « Conseil des ministres de Cangé.
Partisans et adversaires de l’armistice s’opposent. » [6]
Aux armées
Bien
chère maman,
Depuis
le 9 que je t’ai envoyé la précédente lettre, nous nous sommes déplacés deux
fois. La première étape nous a menés dans un village où, quelques jours avant,
nous avions passé une semaine. La deuxième, plus courte de beaucoup, nous a
conduits dans un village actuellement évacué.
J’étais
déjà venu ici au mois de novembre dernier, pendant notre première montée, pour
venir faire quelque bon repas et faire provision de vin. Le coin est très
calme, depuis quelques jours, nous sommes en possession d’un poste de T.S.F. ce
qui nous permet d’écouter les informations et quelque peu de musique le soir en
s’endormant sur la paille. Je crois que nous y sommes bien habitués. Pour ma
part, j’y dors très bien. Bien chère maman, ça va toujours très bien, il ne me
faut rien. Je t’embrasse de tout cœur. Le bonjour à la famille Soulé. Ton fils.
Léon
Jeudi 13 juin 1940 : « Conseil suprême interallié à Tours en
présence de Churchill. Le Premier ministre britannique déclare que l’Angleterre
ne peut délier la France de ses engagements et qu’aucune décision ne peut être
prise sans connaître la position des États-Unis face au conflit. – Au cours
d’un second conseil des ministres à Cangé, le maréchal Pétain annonce : Le
devoir du gouvernement est, quoi qu’il arrive, de rester dans le pays…
L’armistice est, à mes yeux, la condition nécessaire de la pérennité de la
France éternelle. »[7]
Vendredi 14 juin 1940 : « Les Allemands occupent Paris. Début de
l’offensive allemande sur la ligne Maginot. » [8]
Aux armées
Bien
chère maman,
Nous
continuons notre vie de gitanes. La nuit nous nous déplaçons et la journée,
nous la passons dans des villes ou villages. Depuis quelques jours, nous
voyageons en pays habité, donc assez loin de la frontière. Nous sommes encore
dans les limites de l’Alsace-Lorraine, mais je ne sais où on va nous diriger.
Hier, j’ai écrit à Léonie. J’ai reçu, hier également, une lettre de Tante de
Toulouse. Chère maman, je m’arrête, car je crains que la levée ne se fasse
avant que j’aie porté la présente. Ton fils qui t’embrasse de tout cœur et ne t’oublie
pas. Tout va bien, il ne me manque rien. Léon
Samedi 15 juin 1940 : « Reynaud refuse tout armistice avec
l’Allemagne. Favorable à une capitulation militaire en France, il demande le
départ du gouvernement en Afrique du Nord et la poursuite de la guerre aux
côtés des Anglais, le général Weygand refuse le déshonneur d’une capitulation
et explique la nécessité d’un armistice. » [9]
Dimanche 16 juin 1940 : « Démission de Paul Reynaud, partisan de
la résistance armée et d’une union politique indissoluble entre l’Angleterre et
la France proposée par Churchill. Désignation du maréchal Pétain pour former le
nouveau gouvernement. » [10]
Bien chère maman,
Depuis quelques jours nous nous déplacerons chaque nuit et le
service postal est très irrégulier.
Je profite d'une voiture postale que nous venons de rencontrer pour
t’envoyer ce petit mot. Tout va bien.
Ne t'étonne pas si le courrier t’arrive moins régulièrement.
Ton fils. Léon
Cachets
apposés sur l’enveloppe : « Retour à l’envoyeur » - « Le Destinataire n’a pu être atteint à l’adresse indiquée »[11]
Bien cher frère,
Nous étions bien impatients d’avoir de tes nouvelles
et on se résignait, car tous étaient dans le même cas, vu la situation où on se
trouve, mais qui, espérons bien, s’arrangera enfin. Je me suis décidée à écrire
pour te dire que ce matin nous avons reçu tes 2 cartes rigolotes du 8. Tu vois,
ce n’est plus déjà des nouvelles fraîches pour nous, mais nous souhaitons que
la présente aille te trouver en bonne santé comme elle nous quitte, en
attendant que ce terrible cauchemar soit tout à fait dissipé, mais quand et
comment ? … Bon courage, à bientôt de te lire. Fais-toi évacuer si le
genou te fait mal.
Ta sœur et ton
beau-frère qui t’embrassent bien tendrement.
Louis et Léonie
P.S. Dimanche, j’irai voir maman.
Rappel historique : Le 14 juin, les Allemands défilent à Paris.
L’appel à la résistance, lancé le 18 juin 1940 depuis Londres, par le Général
de Gaulle, invite les Français à refuser la défaite et l’armistice demandé par
le maréchal Pétain qui dès le 16 juin prend le pouvoir.
L’article 20 de l’armistice signé le 22 juin à 18 h. 30 à Rethondes, entre le Reich et la France, mentionne que les soldats français faits prisonniers seront prochainement libérés lors de la signature d’un traité de paix entre les deux pays. Les deux Chambres, réunies en Parlement à Vichy, attribuent au maréchal Pétain les pleins pouvoirs pour doter la France d'une nouvelle constitution. Le 24 juin, signature dans un village des environs de Rome de la convention d’armistice franco-italienne. Le 30 juillet, un décret de l’État français instaure les Chantiers de Jeunesse. « Le Maréchal nomme le général Huntziger, MM. Léon Noël et Baudoin comme plénipotentiaires chargés de négocier l’armistice. » p.46 in (A)[12]
CARNET
[Le samedi 22 juin 1940, nous arrivons à
Les Feignes dans les Vosges (Haute-Meurthe). Une voiture officielle de l’armée
allemande est venue et après un entretien avec notre colonel, nous avons déposé
les armes, invités à passer la nuit à la belle étoile en bordure d’une forêt de
hêtres.]
Prisonniers de guerre sous bonne garde, halte repos. Collection privée
(Henri Noguéro)
[Le lendemain, dimanche 23 juin 1940,
nous partions pour une randonnée à pied de trois jours qui devait nous mener à
Strasbourg. Une longue marche forcée, alors que nous n’avions rien à manger.
Après une première et interminable nuit, sous haute surveillance, nous sommes
invités à reprendre la route. Première halte : Saint-Dié. Casse-croûte léger.
Nous rejoignons Strasbourg en quatre étapes passant par Sainte-Marie aux Mines,
Sélestat, le camp d’Ébersheim, Benfeld, le camp d’Erstein. Nous voilà donc
encasernés, couchés à même le sol sans la moindre couverture, la moindre
paille, à même le ciment de la caserne du 309e d’Artillerie de
Strasbourg, et une nourriture extrêmement légère.]
Colonne de prisonniers de guerre. Collection privée (Henri Noguéro)
[Il ne fallut pas un mois que cela dura pour
tomber dans les pommes. Dès qu’on se présentait à la porte du bâtiment, on
finissait par se vider, en baissant culotte presque toutes les heures. Nous
étions là, à attendre, écouter les bobards, durant d’interminables journées ;
certains laissant entendre que dès que les ponts seraient reconstruits, nous
rentrerions dans nos foyers.]
[Durant
un mois, je restais là, à la caserne de Strasbourg. Les derniers jours, j’étais
tellement affaibli que je devais m’aider de la rampe pour arriver à mon grabat
qui se trouvait dans le couloir du premier étage.]
RATIONS ALIMENTAIRES QUOTIDIENNES sur 33
jours : du 23 juin 1940 (lendemain du jour fait
prisonnier) au 25 juillet 1940 (arrivée au Stalag V A à Ludwigsburg) :
Dimanche 23 JUIN 1940 =
200 g de pain, 1 cuillerée de confiture
Lundi 24 JUIN 1940 =
5 biscuits
Mardi 25 JUIN 1940 =
---
Kriegsgefangenenpost[13]
Bien
chère maman. Suis en parfaite santé. T’écrirais plus longuement dès que
possible. Je n’ai pas revu André Artigue. Ton fils. Léon
Mercredi 26 JUIN 1940 =
200 g de pain
Bien
chère Madame et Monsieur,
C’est
avec une immense peine que je vous écris ces quelques mots. Oui, c’est pour
venir vous annoncer une terrible nouvelle.
Roger a été tué au champ d’honneur vers le 20
mai et nous ne l’avons appris que maintenant. Grand est notre chagrin à tous. Il a été tué après la bataille de
Sedan par un éclat d’obus. Je suis complètement anéantie par une pareille
nouvelle et aussi, je me demande parfois si cela peut être possible. Mais,
hélas, ce n’est que trop vrai. Pauvre Roger, lui si gentil et nous nous
entendions si bien tous les deux. Je n’ai plus de courage, je m’arrête.
De
Léon, bien entendu, pas de nouvelles, ni d’ailleurs, de Jean non plus.
Nous
vous embrassons bien affectueusement tous les deux.
Hélène
Jeudi 27 JUIN 1940 =
¼ de café
Vendredi 28 JUIN 1940 =
¼ de café
« À Londres, le gouvernement britannique reconnaît le général de Gaulle comme chef
de tous les Français libres, où qu’ils soient, qui se rallient à lui pour la
défense de la cause alliée. – Hitler
se rend à Strasbourg. » [14]
Samedi 29 JUIN 1940 =
400 g pain, 60 g de singe et 30 g riz
Dimanche 30 JUIN 1940 =
400 g de pain, 60 g de singe
[1]
« Lettres du temps de guerre 1939-1942 »,
op. cit., p. 52
[2] « Lettres du temps de guerre
1939-1942 », op. cit., p. 52
[3] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 »,
op. cit., p. 52
[4] « Chronique du 20ème
siècle », op. cit., p. 558.
[5] « Lettres du temps de guerre
1939-1942 », op. cit., p. 52
[6] « Lettres du temps de guerre
1939-1942 », op. cit., p. 52
[7] « Lettres du temps de guerre
1939-1942 », op. cit., p.
52
[8] « Chronique du
20ème siècle », op. cit., p. 558.
[9] « Lettres du temps de guerre
1939-1942 », op. cit., p.
53
[10] « Lettres du temps de guerre
1939-1942 », op. cit., p. 53
[11] Caporal Noguéro
Léon, 49ème Régiment d’Infanterie, compagnie de commandement, 3ème
section, secteur postal 12550.
[12] « 1942, Almanach de la Légion Française des
Combattants » Almanach publié avec l’expresse approbation du Maréchal.
[13] Trad. :
« Correspondance des prisonniers de guerre »
[14] « Lettres du temps de guerre 1939-1942 »,
op. cit., p. 53