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dimanche 11 décembre 2022

Février 1940 en Alsace

 

Février 1940


 

                                          Louis Durrieu en compagnie
 de André Artigue et Léon en permission


CARNET

Mardi 6 février 1940

 

[Dans la soirée, je quittais Tarbes où je venais de passer ma première permission du front qui fut d’une durée de dix jours. Durant les trois cents premiers kilomètres de mon voyage de retour, j’eus l’occasion de faire connaissance de quelques gars de mon régiment. Immédiatement, nous nous groupons et deux jours après arrivons dans une gare régulatrice et sommes invités à gagner un centre d’accueil qui se trouvait à quelques centaines de mètres de là, camouflé dans un bois.  Chacun casse la croûte en tapant dans les provisions de voyage. Environ deux heures après, un haut-parleur invisible nous rappelle d’abord au silence et ensuite, une voix bien sonore annonce très distinctement les horaires des trains, les directions qu’ils prennent et aussi nous met au courant des déplacements d’unités. C’est à ce moment que j’appris que mon régiment que j’avais laissé à Weiterswiller en Alsace avait rejoint les positions. Assez tard dans la soirée, nous reprenons le train.]

 

Jeudi 8 février 1940

 

[Le matin, au petit jour, nous arrivons dans la petite gare de Schweighouse-sur-Moder. Nous traversons les voies, prenons un chemin de terre à travers de jeunes plantations de sapins et au bout d’un quart d’heure de marche, nous apercevons parmi les grands arbres cette fois un coquet petit village de baraques en bois reliées entre elles par de beaux petits chemins bien entretenus, un petit pont rustique enjambait un bruyant ruisselet. La première baraque à droite abritait des services de renseignements. C’est là que j’appris que je devais reprendre un autre petit train jusqu’à Soultz-Sous-Forêts. Quittant ce bureau, je me dirigeai sur la cantine où j’eus le grand plaisir de boire un café bien chaud. Cela nous remit un peu d’aplomb, car il faisait encore froid et la neige était encore parmi nous. Une heure après environ, nous fûmes dirigés sur cette petite voie de 60 où nous attendaient un bijou de locomotive et deux petits wagons aménagés par les soins des sapeurs du génie. Plus tard, j’appris que cette voie était destinée à desservir les ouvrages fortifiés. Vers midi, arrivée à Soultz où l'on ne put nous renseigner sur notre unité. Nos décidâmes de nous mettre à table dans un restaurant et après avoir bien mangé et bien bu et fait le plein des bidons, nous repartîmes en direction d’un petit village dont le nom m’échappe. Là était installée une batterie d’artillerie du 214e. Un officier nous engagea à faire la pause dans leur cantonnement et nous promet de trouver notre régiment. Vers la fin de l’après-midi, il revient, n’ayant pu entrer en liaison. Il nous conseille tout de même de rejoindre le camp de Drachenbronn où avait peut-être cantonné notre unité. À notre arrivée, le camp était désert. Seuls, quelques chasseurs nous apprirent qu’ils avaient été relevés par notre régiment, mais cela était bien vague. Par quelle compagnie avaient-ils été relevés, où se trouvaient les PC de bataillons, où se trouvait celui du régiment ? C’est ceci qui m’intéressait personnellement. Comme la nuit approchait, nous décidâmes, à nouveau, de la passer en campagne, espérant retrouver le régiment le lendemain. Tout près du camp, nous décidons d’occuper une maison abandonnée. Nous installons les matelas, de la paille et ouvrons nos musettes afin de les faire aérer, car à force de temps le contenu aurait pu sentir le faisandé.]

 

CARNET

Vendredi 9 février 1940

 

[Après avoir passé une bonne nuit, nous reprenons la route en direction de Lobsann en passant par les mines d’asphaltes. Là cantonnait le CRE. Je dus rebrousser chemin et m’enfoncer dans un bois afin de gagner le château de Marienbronn où j’eus enfin le plaisir de retrouver ma compagnie assez confortablement installée. Mes coéquipiers occupaient une pièce du sous-sol aménagée de couchettes à étage, grande table, grands bancs, étagère à paquetage et poêle au charbon. Un détail que j’avais oublié, c’est que j’étais parti seul en permission et que nous rentrions à deux : j’avais en effet recueilli à Drachenbronn un joli petit chien que j’avais immédiatement baptisé de la première syllabe du lieu où je l’avais trouvé. Il s’appelait donc « Drac ». Comme la compagnie n’avait pas de mascotte ; il fut le bienvenu et bientôt choyé de nous tous. Aussi ne manquait-il pas de nous accompagner dans nos sorties. Le ronflement de notre camion Citroën ne lui était pas inconnu et dès qu’il l’entendait, il fonçait droit sur la cour, sautait parfois alors que nous avions déjà démarré et aussitôt, venait s’asseoir sur mes genoux et crânement il flairait et parcourait l’horizon de ses yeux éveillés. Au bout de quelque temps, il montait même sur l’échelle à barreaux ronds et descendait avec la même facilité, mais la tête en avant. Pendant un mois, je restais à Marienbronn. J’installais d’abord toutes les lignes et le Central jusqu’à l’abri creusé dans la butte. Je refis en entier les réseaux téléphoniques de Rott et Climbach.

 

Rispail sergent téléphoniste et « Drac » notre chien, Geyre caporal,

Laplace chauffeur du camion des transmissions, à l’entrée fortifiée

du central téléphonique de Cleebourg

 

 J’installais un nouveau central à Rott, une ligne à Cleebourg au sommet de la montagne qui domine ce village et au haut de laquelle était cantonnée la première compagnie. Là-haut, également, j’installais un central et le jour de Pâques je montais prendre possession de mon poste accompagné de deux copains, un Basque et un Lourdais. Quelques jours après, le capitaine Pambrun[1] vint m’annoncer, en me serrant la main, que je figurais au tableau d’avancement en qualité de caporal. Je passais presque tout le mois d’avril à ce poste où j’étais très tranquille et bien secondé par mes deux aides.]

 

Vendredi 9 février 1940 carte (01)                                                 93

Reçue le 13, réponse le soir

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

Il est dix-neuf heures. Voilà à peine quelques heures que j’ai pu rejoindre mes copains qui, en effet, avaient quitté le village où nous avions passé près de trois mois. Me voilà donc à nouveau installé ; c’est ce que j’ai voulu faire avant de prendre la plume. Clouzet est tout près de notre cantonnement et est rentré en possession de son colis dont il était content. Castérot est aussi venu prendre le sien. Depuis hier midi, c’est-à-dire pendant un jour, nous avons vadrouillé partout à pied, à la recherche des nôtres, traversant plusieurs villages évacués. Nous n’avons pas vu Massaly. Je ne sais ce qu’il doit faire. Toutes les provisions sont arrivées à bon port (celles qui sont arrivées au bout). Le pinard a été un peu juste, en raison de ce voyage prolongé. Je termine pour ce soir. À très bientôt pour plus longuement. Léon

 

Vendredi 9 février 1940 carte F.M.                                                94

 

Bien chère maman,

Me revoilà, depuis quelques heures seulement, parmi mes copains. Le voyage a été un peu long, car je ne les ai retrouvés au même endroit et ai dû les chercher pendant un jour. Enfin, je suis très bien arrivé. Je vais bien et souhaite de tout cœur que la présente carte aille te trouver de même. Je termine pour ce soir, car j’ai beaucoup à écrire, afin de rassurer tout le monde. Reçois chère maman mille gros baisers. Ton fils. Léon

 

Lundi 12 février 1940 lettre (02)                                                      95

Reçue le 16 au matin, réponse le soir

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

Ce matin au réveil, de gros flocons tombaient. Il fait froid, mais moins quand même qu’au village où nous étions au repos.

Ce matin, nous ne travaillons pas.

Hier matin, en revanche, malgré que ce soit dimanche, nous avons installé une ligne. Avant-hier samedi, nous en avons vérifié une que nous avaient laissée nos prédécesseurs. Massaly n’est encore rentré : il a dû demander trois jours de prolongation. Comme vous pouvez vous en douter, je n’ai pu voir Cambot et n’espère le voir de ces jours-ci, pas plus qu’André Artigue que je n’ai pas retrouvé depuis mon retour. Je ne sais plus si je vous ai dit comment nous sommes installés : j’ai retrouvé la compagnie logeant dans un château, au pied d’une colline boisée. Nous, les téléphonistes, occupons un entresol meublé de couchettes à étage. La pièce nous sert de réfectoire ; chauffée par un fourneau, éclairée à l’électricité. À proximité, nous avons un lavabo et l’eau courante. Tout le confort, la vie de château pourrai-je même dire en comparaison des cantonnements que nous avions au repos. Je crois que c’est assez rare pour un régiment qui est en ligne. Il est vrai que notre compagnie est pour le moins, à vol d’oiseau, à six kilomètres de la frontière. Donc, pour le moment, tout va très bien, faute de mieux. Dans l’espoir que la présente ira vous trouver en parfaite santé à tous deux, je vous embrasse tous. Léon

 

P.S. Le bonjour chez M. Bonnard. Hier, j’écris chez Estrade, demain à maman.

 

Château de Marienbronn, près de Lobsann, séjour du 10/02/1940 au 27/04/1940

 

Mardi 13 février 1940 carte-lettre                                                  96

 

Bien chère maman,

Un tout petit mot pour te dire que tout va bien et que je suis complètement réadapté à notre vie ambulante. Nous faisons comme les gitanes, nous passons quelques jours ici, puis on va un peu plus loin.  Avec les copains, je mange jambon, pâté et boudin qu’ils trouvent excellents. Hier, il neigeait, mais aujourd’hui, le soleil brille, mais sans chauffer et ne parvenant pas à faire disparaître la neige. Depuis mon arrivée, je n’ai pas encore reçu de courrier. Il est vrai qu’on n’a eu le temps. Je termine pour aujourd’hui, dans l’espoir que la présente ira te trouver en parfaite santé.  Le meilleur souvenir à la famille Soulé. Léon


Vendredi 16 février 1940 lettre (03)                                                 97

Reçue le 20, réponse le soir

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

Vers dix-huit heures alors que je rentrais en camion avec quelques copains d’aller installer une ligne, j’ai eu l’agréable surprise de recevoir votre gentille lettre qui m’a fait grand plaisir, car vraiment elle m’est parvenue assez rapidement. D’Hélène, rien d’aujourd’hui. En revanche, hier, j’ai reçu deux de ses cartes datées des 9 et 10. Elle n’avait pas eu la patience d’attendre que je lui écrive. André est en perm et leur maman va mieux. Peut-être à l’heure qu’il est, l’une ou l’autre vous aura poussé une visite. Massaly est rentré hier seulement : il avait obtenu une première prolongation de trois jours vu que sa femme était malade et ensuite il a pu lui-même, prétextant un peu de bronchite et moyennant un certificat, se faire accorder quatre jours de plus.

Chère sœur, mon rhume est pour ainsi dire passé. Je ne dis pas tout à fait car, ici, il nous en reste toujours un peu.

Quant aux Républicains, fais comme bon il te semblera. Envoie-les s’il y a quelque chose d’intéressant.

Si Lopez revient, dis-lui 75 à 80 francs la lampe simple.

En ce moment, nous sommes à quelques kilomètres de Wissembourg où passe le fleuve La Lauter. Je termine en vous envoyant mille gros baisers. Demain, j’écrirai à maman. Léon

 

Samedi, 17 février 1940 lettre F.M.                                                98

Cachet Poste aux armées du 19/02

Cachet bureau Poste Cadéac du 21/01

 

Bien chère maman,

J’ai reçu hier soir une longue lettre de Léonie m’apprenant qu’elle avait reçu ma première carte et qu’elle avait été te voir dimanche, te trouvant en bonne santé, ce qui m’a fait grand plaisir. Il en est de même de moi pour le moment. Nous sommes très très bien ; jamais nous n’avons été logés, éclairés et chauffés dans d’aussi bonnes conditions.  Vraiment, nous ne nous croyons pas en guerre. La nourriture est bonne.  Nous avons trois quarts de vin par jour. L’après-midi, vers trois heures et demie, nous avons du thé bien chaud. Le soir, après souper, avant de se mettre dans nos couchettes individuelles, nous préparons nous-mêmes du chocolat (à l’eau naturellement). Aujourd’hui, il a neigé pendant quelques heures. De ce fait, le sol est recouvert de près de quinze centimètres de neige. Heureusement qu’il ne fait pas très très froid. Hier, j’ai été pousser une petite visite à André Artigue qui est à près de deux kilomètres d’ici. Il est lui aussi en parfaite santé et était heureux de me revoir.

Chère maman, tout va pour le mieux et j’espère que la présente ira te trouver en parfaite santé. Les provisions étaient arrivées à bon port et ont été très goutées de nous tous. Seule la saucisse sèche au plafond. Elle sera décrochée le premier jour ou le menu des cuisines ne sera pas jugé assez copieux. Ton fils qui t’embrasse. Léon

P.S. : Le bonjour à la famille Soulé.

 

Mardi 20 février 1940 lettre (04)                                                     99

Reçue le 24 au soir, réponse le 26

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

J’ai reçu hier votre longue lettre du 16 ainsi qu’une lettre de monsieur Estrade me donnant de bonnes nouvelles de maman qu’il avait vue la veille de m’écrire. Il est en pleine saison de pèle-porc, car il me laisse entrevoir qu’il en exécute bon nombre. Quelques permissionnaires sont encore arrivés : Jean Picassette et Marcel Van den Bosch (jaquette). Restent à venir les Marocains.

Hier, il a plu presque toute la journée. De ce fait, la température étant plus douce, la plus grosse partie de la neige a fondu.

Aujourd’hui, il faisait à nouveau assez froid. Depuis hier matin et pour quelques jours encore, nous avons notre travail à une huitaine de kilomètres d’ici. Il consiste à remettre en état un réseau téléphonique à l’intérieur d’un village. Nous partons en camion le matin vers sept heures, emportant un repas froid, et on vient nous reprendre vers dix-sept heures. Cet après-midi, j’ai aperçu le sergent-chef Carmouze des pionniers divisionnaires. C’est un parent des Chalmandrier.

Demain, j’irai le trouver à son cantonnement. Il est au village de Rott tout près de Wissembourg.

Chère sœur, pour le moment, je n’ai pas besoin de colis. L’ordinaire est assez bon et, comme ici, nous ne restons qu’une dizaine – les autres étant employés par-ci par-là plus à l’avant – dès qu’un colis arrive, nous le partageons. Ainsi, presque chaque jour, nous avons quelque chose à diviser. J’ai appris par Hélène qu’André était venu. J’aurais bien voulu le voir en civil.

Dimanche matin, j’ai eu la visite de Jean Marie Rumeau. Il est au 214e d’artillerie en qualité de chauffeur d’un officier. Ayant conduit ce dernier au bureau du colonel et ayant appris par Gabas de Vielle que j’étais là, il est venu me trouver alors que je faisais avec deux copains la corvée de chambre. Il était tout heureux d’avoir trouvé un gars du pays, car dans son régiment il est presque seul de chez nous. Lui ayant indiqué où était André Artigue, il me dit : « je te remercie, je tacherai de le trouver, j’y passe journellement devant ».

Massaly est rentré depuis quelques jours. Quant à Clouzet, il habite la même propriété que moi, mais un bâtiment différent. André Artigue est à moins de deux kilomètres d’ici. Bien chère sœur et cher beau-frère, je termine pour ce soir en vous envoyant mes meilleurs baisers, dans l’attente de vous lire sous peu. Léon


Mercredi 21 février 1940 carte F.M. (4)                                    100

Cachet Poste aux armées du 23/02

Cachet bureau Poste Cadéac du 26/01

 

Bien chère maman,

Deux mots pour te dire que tout va pour le mieux. La santé est excellente, la température est plus douce que ces derniers jours. Aujourd’hui, le soleil chauffait faisant fondre la neige et le verglas qui recouvre les routes. Ces jours-ci, nous travaillons à remettre en état des lignes téléphoniques dans la traversée d’un village. Avant-hier, j’ai reçu une longue lettre de Léonie. Dimanche matin, Jean-Marie Rumeau, chauffeur d’un officier du 214e d’artillerie est venu me trouver. Il était venu porter son lieutenant au bureau du colonel. Étant pour ainsi dire seul de la région dans son régiment, il a été très heureux de me trouver. Il m’a promis d’aller voir André Artigue, car je lui ai indiqué où il stationnait.

Chère maman, je termine dans l’espoir que la présente ira te trouver en bonne santé. Gros baisers de ton fils. Léon

 

Vendredi 23 février 1940 lettre (05)                                             101

Reçue le 27, réponse le 1er mars

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

Je viens de recevoir il y a à peine une demi-heure votre lettre n° 3 datée du 20 et je constate avec plaisir qu’elle m’est vite parvenue : je souhaite qu’il en soit pour toutes de même. Après avoir travaillé pendant quelques jours dans un village éloigné de huit kilomètres, en avant ; aujourd’hui, nous n’avons pas fait grand-chose. Notre plus grand travail a consisté à aller chercher dans la colline voisine un tronc de pin qui va nous servir à alimenter notre fourneau qui ronfle toute la journée. Depuis quelques jours, il ne fait pas trop froid, mais il nous faut de l’eau soit pour la vaisselle soit pour laver du linge, nous raser, etc. Ces arbres qui nous servent de bois de chauffage avaient été abattus et pelés, prêts à être dirigés vers des scieries. C’est autant de perdu et vraiment dommage de les mettre au feu. Il vaut tout de même mieux s’en chauffer que de les laisser pourrir sur place.

Hier, j’ai reçu une gentille lettre de la maison Chalmandrier. Marcelle me disait : « mon cousin Raoul a lui aussi changé de place, il est dans les Vosges ». Et voilà que ces jours derniers, je l’ai aperçu au village où je travaillais. C’est là qu’est sa compagnie, il est sergent-chef dans les pionniers divisionnaires et fait partie de la même division. J’aurais bien voulu lui causer, mais je n’ai pas eu le temps d’aller le trouver à son cantonnement. Tu me parles des photos, tu en donneras une à Hélène et dans une prochaine lettre tu m’en enverras une pour moi. Quant à Cambot, il est certainement à environ dix-huit kilomètres en arrière de nous. Je crois qu’ici aussi le deuxième tour de permission ne saurait tarder à commencer. Il paraît que certains de la division sont partis déjà hier. Avant-hier, j’ai reçu une lettre de M. Estrade m’apprenant l’arrivée de nouveaux permissionnaires, les derniers de France. Restent à arriver les Marocains. Pour le colis, je n’en vois guère l’utilité pour le moment, car tous en reçoivent et en bons camarades, à douze que nous sommes, nous partageons tout. Quant à la petite fiole, je la conserve jalousement en cas de (malaise inattendu). Tous les copains à qui j’avais envoyé une photo m’ont envoyé une lettre de remerciement, en attendant de se retrouver pour la prochaine, si ce n’est avant, devant quelques « Pernod », ou simplement une bonne chopine à 40 sous et non à 4 francs comme par ici. Maintenant que j’y pense, la saucisse que tu m’avais donnée, je crois bien que c’est une saucisse de couennes. Je n’en suis pas sûr, car elle sèche encore au plafond attendant le premier jour où l’ordinaire sera assez piètre pour être décrochée. Chère sœur et cher beau-frère, je termine pour ce soir en vos embrassant bien fort à tous deux. Votre frère et beau-frère qui ne vous oublie pas. Léon

 

Dimanche 25 février 1940 carte-lettre                                       102

 

Bien chère maman,

Après quelques jours de silence, je viens par ces quelques lignes te donner quelques détails sur ma santé et cette nouvelle vie que nous menons déjà depuis quelques mois. En ce qui concerne la santé, ça va très bien, l’appétit y est et nous avons une assez bonne nourriture améliorée par les colis que nous recevons tous et que nous partageons volontiers. La vie devient plus agréable, car il fait moins froid. La neige tend à disparaître, les oiseaux commencent à chanter, annonçant la proche arrivée du Printemps. Nous logeons toujours dans le même château et je compte que nous y resterons encore trois semaines. De Tarbes, j’ai toujours de bonnes nouvelles ainsi que de plusieurs soldats de Cadéac. Bien chère maman, dans l’espoir que la présente petite lettre ira te trouver en parfaite santé, je termine pour ce soir en t’envoyant mille gros baisers. Ton fils qui ne t’oublie pas. Léon

 

Mercredi 28 février 1940 lettre (06)                                               103

Reçue le 4 mars au matin, réponse le 6

 

Bien chère sœur et cher beau-frère,

Depuis deux ou trois jours, je renvoie de vous écrire. Chaque jour, l’heure du courrier arrive, la distribution se fait : rien. Ce sera pour demain, me disais-je, et quelques jours ont passé. Ce soir donc, je me décide à vous envoyer un mot afin que mon silence ne vous paraisse trop long. Il y a quelques jours, j’ai reçu deux Républicains.  Votre dernière lettre portant le n° 3 et datée du 20 m’est parvenue le 23 et ce même jour j’y ai répondu – je précise dans le cas où, de part ou d’autre, quelque lettre ne serait parvenue.

Pour le moment, tout va pour le mieux. Je reçois de bonnes nouvelles de soldats Cadéacois, d’Hélène, André qui dès son arrivée s’est empressé de m’écrire. De Toulouse, je n’ai encore rien reçu depuis mon retour, pourtant j’avais écrit à tous mes correspondants. Je dois la réponse à madame Chalmandrier, à Généraux, à André.

Depuis quelques jours, nous avons du travail, aussi ne pouvons-nous écrire que le soir. Hier après-midi, étant de passage dans notre propriété, j’ai reçu la visite de Jean-Marie Rumeau qui est toujours chauffeur d’officier. Il compte partir en perm vers le 15 mars pour la deuxième fois. Ici, également, le deuxième tour a commencé hier par deux départs, aujourd’hui un, demain deux autres… soit à la moyenne de trois tous les deux jours, tant que nous sommes ici. Quand nous descendrons, le pourcentage sera augmenté.

Hier a fait trois semaines que le régiment est ici, encore autant à passer et ensuite j’espère, nous redescendrons. En ce moment, la température s’est radoucie, la neige disparait, il pleut quelque peu. La santé est excellente.

Hier après-midi, nous sommes descendus au plus proche village pour nous doucher. L’installation était parfaite, l’eau bien chaude, aussi sommes-nous rentrés tous satisfaits d’une toilette totale si bienfaisante.

Bien chère sœur et cher beau-frère, je termine pour ce soir en vous embrassant bien fort, dans l’attente de vous lire sous peu. Léon

 




[1] M. l'abbé Pambrun, curé doyen de Salies-de-Béarn (Basses-Pyrénées), chevalier de la Légion d'honneur et quatre fois cité au titre de la guerre 1914-1918, capitaine adjudant-major au 2e bataillon du 49e R. I. ...  a mérité, au cours de la dernière guerre, les deux citations suivantes à l'ordre du corps d'armée : « I.- Au cours d'une journée particulièrement difficile, a secondé son chef de bataillon avec compétence et dévouement, méprisant le danger et se portant aux endroits difficiles. Type du prêtre-officier, qui, depuis le commencement de la campagne, n'a cessé de maintenir très haut, par son exemple et ses paroles, le moral des hommes, en les visitant presque tous les jours en ligne, quelquefois sous les bombardements les plus violents. » II.- « À la contre-attaque du 21 juin, a assuré des liaisons difficiles sous de violents bombardements. À réussi à mener sur la ligne de feu des éléments de deuxième position, renforçant ainsi la puissance de résistance des postes avancés. A fait, une fois de plus, preuve du plus grand mépris de la mort. » Source : La Croix, n° 17655 du 16 août 1940.


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